Malgré les accusations de fraude, Félix Tshisekedi reconnu président de la RDC
Malgré les accusations de fraude, Félix Tshisekedi reconnu président de la RDC
Par Joan Tilouine
La Cour constitutionnelle a rejeté le recours de Martin Fayulu qui contestait les résultats provisoires de la Commission électorale.
Le nouveau président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, succède à JOseph Kabila, au pouvoir depuis 2001. / LUIS TATO/AFP
Il n’est peut-être pas le leader charismatique ou le visionnaire à poigne tant espéré. Il n’est sans doute pas le vainqueur de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018. Mais l’opposant Félix Tshisekedi, 55 ans, devient le cinquième président de la République démocratique du Congo (RDC). La Cour constitutionnelle a validé, dans la nuit de samedi 19 à dimanche 20 janvier, sa victoire – avec plus de 38 % des voix – et a rejeté le recours de son rival de l’opposition, Martin Fayulu, qui contestait les résultats provisoires de la Commission électorale (CENI).
M. Tshisekedi succède à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001. Les deux hommes ont noué dans l’ombre une alliance aux contours encore flous pour écrire un nouveau chapitre de la fiction d’une démocratie congolaise dans laquelle les votes comptent moins que les arrangements pour le partage du pouvoir. Ensemble, ils ont truqué cette séquence cruciale pour néanmoins offrir la première alternance pacifique de l’histoire du plus grand pays d’Afrique subsaharienne.
Donné vainqueur de l’élection – avec près de 59 % des scrutins – par une fuite de données de la CENI et par la mission d’observation de l’Eglise catholique congolaise, Martin Fayulu s’est autoproclamé « seul président légitime ». Mais il se retrouve esseulé, trahi par une partie de ses soutiens, broyé par la machine Kabila et le grand jeu diplomatique. M. Fayulu en a appelé à la mobilisation de la rue, en vain pour l’instant.
Plutôt que la vérité des urnes, c’est la défense de la « stabilité » qui a fini par prévaloir au sein de la communauté internationale piégée par Joseph Kabila. La dernière victime n’est autre que l’Union africaine (UA), dirigée pour quelques jours encore par le président rwandais, Paul Kagamé. Après avoir mis en doute la véracité des annonces de la CENI et exigé « la suspension de la proclamation des résultats définitifs », l’organisation panafricaine a reporté sine die l’envoi d’une mission de haut niveau prévue ce jour à Kinshasa.
« Congo réconcilié »
Cette délégation devait être cornaquée par M. Kagamé dans le but d’exiger un recomptage des voix et de faire valoir la victoire de M. Fayulu. Une initiative soutenue par l’Union européenne, tenue à l’écart du processus électoral, tout comme les autres partenaires occidentaux de la RDC. « On s’est fait avoir par Kabila et sa Cour constitutionnelle, constate un diplomate africain. Désormais, les jeux sont faits ! Exercer plus de pression serait de l’ingérence. M. Tshisekedi est invité et attendu au prochain sommet de l’UA [le 9 février] pour être adoubé par ses pairs. »
Malgré cet échec, le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, estime que l’organisation a, avec cet épisode, éprouvé une doctrine plus interventionniste qui pourrait s’appliquer dans les futures crises post-électorales du continent. « Il y a désormais le précédent de Kinshasa », dit-il en privé.
La Commission de l’UA a fini par « prendre note » de l’élection de M. Tshisekedi. Plusieurs puissances régionales, qui, pour certaines, ont mis la pression sur Joseph Kabila pour qu’il quitte le pouvoir et respecte le verdict des urnes, se sont résignées à féliciter le nouvel élu. Comme l’organisation sous-régionale d’Afrique australe, la SADC, et le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, très impliqué dans la résolution de la crise politique en RDC.
« Demain, le Congo que nous allons former ne sera pas un Congo de la division, de la haine et du tribalisme. Ce sera un Congo réconcilié, un Congo fort », a déclaré Felix Tshisekedi, devenu le nouvel allié de Joseph Kabila, désormais sénateur à vie et dont la coalition s’impose à l’Assemblée nationale, avec 337 sièges sur 500. Ce qui permet au chef de l’Etat sortant, probable futur président du Sénat – donc numéro deux de l’Etat –, de nommer le premier ministre et de continuer à régner indirectement, avant d’éventuellement briguer un nouveau mandat en 2023. D’ici là, Félix Tshisekedi, dont l’investiture est prévue jeudi, devra prouver que sa conquête du pouvoir au détriment de la démocratie est un sacrifice nécessaire pour la stabilité tant espérée d’une RDC qui a connu deux grandes guerres et reste le théâtre de plusieurs conflits.
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