Comment bien choisir son master ?
Comment bien choisir son master ?
Par Isabelle Dautresme
Avec près de 5 000 masters habilités par le ministère de l’enseignement supérieur, auxquels s’ajoutent les formations à l’étranger, il n’est pas toujours facile de faire le tri.
Nini la caille
Un choix hautement stratégique. Le master, bien souvent la dernière étape avant l’insertion professionnelle, est un diplôme clé, qui déterminera pendant de longues années un niveau de salaire, des perspectives d’évolution et des types de responsabilités. Mais si le « niveau master » est acquis pour toute une carrière, son l’intitulé ou sa spécialité conditionneront pour beaucoup, pendant lespremières années de la vie active, le type d’emploi obtenu ou son secteur d’activité. Le master est une rampe de lancement : voilà pourquoi il ne faut pas se tromper. Grande école ou université ? En apprentissage ou pas ? Généraliste ou très spécialisé ? Avec près de 5 000 masters habilités par l’état, il n’est pas toujours facile de faire se décider.
Quelle spécialisation choisir ?
Quelle que soit la discipline, « choisir un master, c’est faire le choix d’une spécialisation en vue d’un projet professionnel », avertit Khaled Bouabdallah, président de l’université de Lyon et vice-président de la conférence des présidents d’université (CPU). Donc, avant de se lancer tête baissée dans la liste des intitulés, il faut commencer par identifier les secteurs d’activités, voire les métiers vers lesquels on souhaite se diriger. « Car c’est bien cette réflexion sur l’après-études qui déterminera la formation et non l’inverse ! », insiste Anne-Marie Lardreau, conseillère au Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ).
Il faut également s’intéresser aux spécialisations proposées en deuxième année de master. « Si on veut se former à l’intelligence artificielle (IA), il faut d’abord aller chercher le M2 [deuxième année de master] qui offre cette spécialisation, puis identifier le M1 [première année de master] correspondant, précise Jean-Marc Geib, directeur du département évaluation des formations au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres). Tous les masters informatiques ne proposent pas une spécialisation en IA. »
Avant de postuler à une formation, mieux vaut donc se renseigner, explorer les maquettes des cours, provoquer des rencontres, discuter avec les enseignants, questionner les étudiants….
Peut-on changer de discipline ?
Il est possible de changer de domaine entre la licence et le master, à condition toutefois d’avoir les compétences nécessaires pour suivre la formation visée. « Il n’est pas question par exemple de passer de psychologie à maths, remarque Anne Reboud, directrice du service universitaire d’information et d’orientation (SUIO) de l’université de Nantes. Quelle qu’en soit la raison, il faut que le changement de cap s’inscrive dans un projet cohérent et puisse être argumenté. »
Sans être impossibles, les bifurcations entre la première et la deuxième année de master sont plus difficiles encore. Ainsi, « un étudiant qui a choisi un M1 de droit privé pourra très difficilement poursuivre en droit public en deuxième année », prévient Jean-Marc Peyrical, directeur de master à l’université Paris-Sud. Le master est en effet un diplôme en deux ans « qui a une cohérence, une logique de progression des apprentissages construite sur quatre semestres, justifie Khaled Bouabdallah. Et chaque université élabore ses propres maquettes ». D’où l’intérêt de se poser les bonnes questions et de bien mûrir son projet avant de faire son choix.
Les masters sont-ils sélectifs ?
Dans la très grande majorité des facultés, la sélection s’opère à l’entrée en M1. Seuls 400 masters, principalement en droit et dans une moindre mesure en psycho, ont maintenu une sélection en M2 à la rentrée 2018. Ce sont les responsables de master qui fixent les critères d’admission et dressent une liste de « prérequis ». Généralement, la sélection se fait sur dossier. « Les notes, la cohérence du projet professionnel, la motivation sont regardées de près », prévient Anne Reboud. Pour les masters les plus sélectifs, cet examen peut être complété par un entretien. « Les examinateurs essayent alors de voir si le jeune a une assise académique suffisante pour aller jusqu’à l’obtention du diplôme, s’il est en mesure d’expliquer ses choix, de dire en quoi le master visé va lui permettre de construire son projet professionnel », précise Khaled Bouabdallah. Il n’est pas nécessaire de citer un métier précis mais au moins un secteur d’activités. Lors de ces entretiens, Jean-Marc Peyrical s’intéresse au parcours de l’étudiant : est-il parti à l’étranger ? A-t-il fait des stages ? « Même si ces derniers ne sont pas obligatoires, ils sont clairement un plus sur le CV ! »
Tous les masters se valent-ils ?
« Un bon master est un master qui permet d’accéder rapidement à un emploi pour lequel on a été formé et qui offre une rémunération correspondant à un diplôme bac + 5. Ce qui n’est pas le cas de tous les cursus », met en garde le président de l’université de Lyon, Khaled Bouabdallah.
Pour se faire une idée claire de la qualité d’une formation, les rapports d’évaluation du Hcéres sont une ressource intéressante. En effet, pour chaque cursus, l’organisme met en avant ses forces et ses faiblesses. « Il ne s’agit pas de classer les formations mais de mesurer leur qualité », précise Jean-Marc Geib. Parmi les critères retenus figurent les effectifs, le suivi des étudiants diplômés, la dimension internationale, le contenu et l’organisation de la formation, mais aussi l’environnement du master : les partenaires industriels et professionnels sont-ils importants ? Y a-t-il des labos de recherche voisins reconnus qui permettront une poursuite en thèse ? Autre élément pris en compte : la vie étudiante. Est-ce que des étudiants participent au conseil de perfectionnement ? Sont-ils bien représentés à la commission paritaire pédagogique sur les programmes ? « On remarque souvent que les masters de bonne qualité sont aussi ceux dans lesquels les étudiants sont acteurs de leur formation », assure Jean-Marc Geib.
Outre ces rapports d’évaluation, Anne Reboud, du SUIO de l’université de Nantes, conseille d’étudier les enquêtes d’insertion mises en ligne sur les sites des universités : « Elles donnent des informations sur les parcours des anciens : le métier exercé, le salaire, la durée de recherche d’emploi… »
Quels sont les masters les plus demandés ?
Tous les masters sont sélectifs mais certains le sont plus que d’autres. Le taux de pression – rapport entre le nombre de vœux 1 exprimés et le nombre de places disponibles – est un bon indicateur pour mesurer la sélectivité d’un master. Plus il est élevé, plus l’accès à la formation est difficile et donc plus le dossier du candidat doit être solide. « Mais ce taux n’est pas toujours facile à trouver, signale Anne Reboud. Comme il figure rarement sur le site des universités, il faut aller le chercher à la scolarité ou en posant la question sur les forums, les salons. »
Parmi les masters qui affichent les taux de pression les plus élevés, psycho, biologie, économie-gestion, droit, mais aussi méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises (Miage) arrivent en tête. Mais ce « classement » peut varier fortement d’une université à l’autre.
L’accès à un master est-il un droit ?
Depuis la rentrée 2017, la plupart des formations sélectionnent les étudiants à l’entrée de la première année de master. « Le passage en M2 est désormais automatique dès lors que l’étudiant a la moyenne », précise Khaled Bouabdallah. Mais les étudiants de licence recalés dans toutes les formations auxquelles ils ont postulé peuvent saisir le recteur et faire valoir un « droit à la poursuite d’études ». Celui-ci est censé leur faire au moins trois propositions d’admission, en priorité dans l’université où ils ont obtenu leur licence et, si ce n’est pas possible, dans un établissement de la région académique. Ces propositions sont censées tenir compte du projet professionnel et des prérequis des formations.
En cas d’échec, il est toujours possible d’engager une procédure devant le tribunal administratif. Ou de retenter l’année suivante en mettant à profit le temps dégagé pour se lancer dans un projet de volontariat, un service civique ou un stage. « Autant d’occasions de “travailler” son projet », conseille Anne-Marie Lardreau, du CIDJ.
La ville a-t-elle une importance ?
Lorsque l’on choisit son master, l’une des premières questions à se poser est celle de la mobilité. Est-on prêt à changer d’université, de ville, d’académie et même de région ? Selon la réponse, l’éventail de choix ne sera pas le même. Car si la vie étudiante est importante pour réaliser des études dans des conditions optimales, changer de région implique souvent un coût, lié notamment aux frais de logement. Dans certains cas, l’étudiant peut ne pas avoir le choix. Les mentions de master sont en effet très pointues et toutes les universités ne couvrent pas la totalité des spécialités.
La qualité du tissu économique varie également d’une ville à l’autre. Pour la mesurer, Anne-Marie Lardreau conseille de « faire une enquête de terrain sur les opportunités offertes par les entreprises pour les futurs stages ou formation en alternance, à partir par exemple de l’étude BMO [besoins en main-d’œuvre], réalisée chaque année par Pôle emploi ».
Mais, « à master équivalent, le choix de l’endroit dans lequel on souhaite étudier est très subjectif. La plupart des métropoles ont fait des efforts pour être attractives pour les étudiants ! », assure Khaled Bouabdallah.
Est-il possible d’effectuer un master en partie à l’étranger ?
La plupart des masters prévoient un cursus à l’international d’un semestre, voire d’une année, et il est presque toujours possible de faire son stage à l’étranger.
Pour mesurer plus précisément le degré d’ouverture d’une formation, le nombre de bourses Erasmus disponibles, les quotas d’étudiants que l’établissement envoie chaque année à l’étranger, les éventuels partenariats ou doubles diplômes avec des établissements étrangers sont autant d’indicateurs à prendre en compte.
Peut-on faire un master en alternance ?
Oui, et c’est même conseillé quand cela est possible tant les avantages sont nombreux. Les masters en alternance ont en effet le vent en poupe. « Les étudiants sont très demandeurs de cette formule. C’est une insertion pro quasi garantie à l’issue de la formation, voire très souvent avant. C’est, par ailleurs, un bon calcul financier », confirme Khaled Bouabdallah.
Pour répondre à cet « engouement », de plus en plus de masters s’ouvrent à l’alternance. Pour rejoindre ce type de cursus, outre le fait de devoir trouver une entreprise, il faut présenter un dossier académique correct et surtout être très motivé. « La motivation est objectivée par la capacité à bien se projeter dans l’avenir », signale Anne Reboud, à Nantes. Les étudiants à profil généraliste (LEA, psycho, lettres, histoire…) peuvent également faire un master en alternance.
Master, MSc et Mastère spécialisé, est ce la même chose ?
Un master est un diplôme national, délivré par les universités. Certaines grandes écoles délivrent aussi des diplômes « conférant le grade de master », un gage de qualité certifié par le ministère de l’enseignement supérieur.
En outre, les écoles de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) proposent des Mastères Spécialisés (MS), des formations d’un an qui permettent de se spécialiser dans un domaine - la liste de ces MS est disponible sur le site de la CGE. Les candidats à ces formations doivent être titulaire d’un diplôme bac+4 minimum - mais beaucoup ont déjà un master, et viennent y chercher un réseau, des compétences sectorielles ou une insertion professionnelle facilitée.
Enfin, les formations labellisées MSc (master of science) sont des cursus de 18 mois (ou 24 mois) délivrés par les écoles de la CGE. Elles sont avant tout destinées aux étudiants étrangers - une grande partie des cours sont en anglais. Mais les étudiants français qui visent une carrière internationale peuvent aussi candidater (bac+4 minimum, bac+3 sur dérogation).
Où trouver l’information ?
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche met à la disposition des étudiants la plate-forme Trouvermonmaster.gouv.fr, qui répertorie tous les masters habilités. Chaque fiche présente une description de la filière, les mentions de licence conseillées pour postuler, le nombre de places… Les sites Internet des facs ou des masters apportent, quant à eux, des renseignements sur les contenus des formations, les débouchés, le taux de satisfaction des étudiants… Chaque université a en outre un SUIO qui propose une aide et des conseils. Dès que le choix est arrêté, il faut bien se renseigner sur le calendrier et les modalités d’inscription, variables d’une université à l’autre. La plupart ouvrent les candidatures au printemps.