« Nazcas, les lignes qui parlaient au ciel » : sur les traces de la civilisation précolombienne
« Nazcas, les lignes qui parlaient au ciel » : sur les traces de la civilisation précolombienne
Par Audrey Fournier
Un ambitieux documentaire lève une partie du mystère lié aux gigantesques dessins tracés dans le désert péruvien.
Cartes du ciel ? Calendriers astrologiques ? Pistes d’atterrissage pour extraterrestres ? Les géoglyphes du désert de Nazca, observables dans le sud du Pérou, au pied de la cordillère des Andes, intriguent. Ces formes de taille monumentale – les plus grandes dépassent les 100 mètres d’envergure –, ont été tracées entre 700 av. J.-C. et 100 apr. J.-C. sur un territoire d’environ 500 km². Elles sont le mystérieux legs de la civilisation des Nazcas, installée dans la pampa péruvienne jusqu’à son effondrement, vers l’an 600, vraisemblablement dû à la désertification.
Le riche documentaire de France 5 prend acte de la fascination que ces représentations de fleurs, animaux, personnages stylisés ou formes géométriques suscitent. Mais il va plus loin et plonge dans l’intimité de ce peuple théocratique, dont l’apport artistique est un des plus importants de la région. Nazcas, les lignes qui parlaient au ciel, de Jean-Baptiste Erreca, s’appuie sur les découvertes archéologiques les plus récentes : l’étude de ces figures, dont on a longtemps ignoré la signification et la fonction, est largement facilitée aujourd’hui par la mise à disposition de technologies de pointe, présentées de façon très pédagogique.
Après les lignes de Nazca, voici les lignes de Palpa
Durée : 02:57
Momies et crânes déformés
Ainsi, un ingénieur de la NASA explique l’utilité d’observer les géoglyphes au moyen d’un radar aéroporté pour en faire l’inventaire (celui-ci est toujours en cours, pas moins de 10 000 figures ont déjà été répertoriées), tandis qu’un universitaire péruvien tente de son côté de trouver une corrélation entre les dessins tracés au sol et le parcours des nappes phréatiques. Techniquement très simples à réaliser, les géoglyphes nazcas témoignent néanmoins de connaissances avancées en mathématiques et en géométrie.
L’autre intérêt de ce documentaire est de ne pas se limiter aux dessins et de faire état de fouilles récentes, principalement sur le site du temple Cahuachi, un sanctuaire majeur surplombant les géoglyphes. C’est à cet endroit que viennent d’être découvertes des momies dans un état de conservation remarquable. Grâce à une technologie mêlant la scanographie et la réalité augmentée, on assiste lors d’une séquence impressionnante à une fouille virtuelle de l’intérieur d’un de ces corps embaumés, dont l’intégrité est parfaitement respectée – une première dans le monde de l’archéologie. Même chose pour l’examen des crânes nazcas, dont les déformations, obtenues par le biais de contentions imposées dès l’enfance, fascinent depuis leur découverte. La mise au jour de poteries finement décorées et le dévoilement de linceuls brodés vieux de 2 000 ans, soigneusement conservés dans les musées de Lima, sont par ailleurs autant de témoignages du raffinement de cette société.
On pourra regretter la présence de séquences de reconstitution en costumes, dispensables. Elles ont toutefois le mérite de nourrir notre imagination. Et ne gâchent pas le plaisir que procure cette immersion au sein d’une des civilisations précolombiennes les plus sophistiquées. Une des qualités de ce documentaire, et non la moindre, étant de donner la parole à un panel cosmopolite d’archéologues, universitaires et conservateurs. Aïcha Bachir Bacha, archéologue rattachée à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess), à Paris, est passionnante. Nazcas se regarde comme un film et, d’une grande accessibilité, plaira aux adultes comme aux grands enfants et aux ados.
Nazcas, les lignes qui parlaient au ciel, de Jean-Baptiste Erreca, 1 h 30. www.francetelevisions.fr/Science-grand-format-Nazcas-les-lignes-qui-parlaient-au-ciel