Arte, mardi 29 janvier à 23 h 35, documentaire

Dans les universités allemandes et les organismes sérieux spécialisés dans les études de violences urbaines, les travaux de recherche sur les mouvements d’extrême droite sont très nombreux. Les agissements des militants, notamment néonazis, sont suivis et analysés de près. En ­revanche, alors que les actes de violence causés par des mouvements se revendiquant de l’extrême gauche sont, paraît-il, en augmentation depuis des années, on trouve beaucoup moins de ­documents concernant ces mouvements radicaux.

Contextualisant d’impressionnantes images de violences urbaines (notamment celles des manifestations anti-G20 à Hambourg ou d’affrontements à Berlin) avec des explications et décryptages d’universitaires, de responsables des services de renseignement et, parfois, d’activistes qui témoignent face caméra, ce documentaire propose quelques incursions au Pays basque espagnol, en Russie, en République tchèque ou en France, insistant sur les liens qui existent entre militants au-delà des frontières, mais s’attarde surtout sur la situation en Allemagne.

Un pays où les manifestations sont nombreuses et, contrairement à ce que l’on semble croire en France, parfois très violentes. Mais surtout un pays où des militants qui se revendiquent d’extrême gauche ont multiplié, ces derniers mois, les actes de sabotage d’infrastructures (ponts, chemins de fer, installations électriques), les destructions de locaux de partis politiques, de banques, d’agences de voyages. Sans oublier les attaques ciblées contre des policiers.

Sujet sensible

La violence d’extrême gauche est un sujet d’autant plus sensible que pour une grande partie de l’opinion publique allemande, elle n’est pas perçue comme une réelle menace politique. Contrairement à l’extrême droite, l’ultragauche revendique un fondement idéologique s’appuyant sur une vision humaniste de la société – lutte contre le fascisme, le racisme, le capitalisme sauvage, le sexisme... Mais la situation se révèle plus complexe : « La lutte anticapitaliste sert de prétexte aux autonomes. Et la scène autonome discrédite les revendications de la société civile », estime le sociologue ­Armin Pfahl-Traughber. Contrairement aux idées reçues, la violence commise par ces militants serait dénuée de fondements idéologiques : c’est en tout cas la thèse de responsables du BKA (l’office fédéral de police criminelle) qui, fichiers et chiffres à l’appui, révèlent que ces militants violents passent plus que la moyenne par la délinquance ordinaire.

Selon une statistique officielle, le nombre de militants d’extrême gauche violents en Allemagne est passé de 7 700 en 2015 à 9 000 aujourd’hui

Pour Klaus Schroeder, politologue à l’Université libre de Berlin, « la violence d’extrême gauche est largement sous-estimée ». Depuis les années 1990, les chiffres semblent lui donner raison. « Il y a des rues où nos patrouilles ne sortent plus de leurs véhicules », avoue un officier de police berlinois, décrivant un quartier accueillant de nombreux militants d’extrême gauche. En 2017 à Berlin, 250 actes de violence commis par des militants de la gauche extrême ont été recensés, soit le double de ceux de l’extrême droite. Selon une statistique officielle, le nombre de militants d’extrême gauche violents en Allemagne est passé de 7 700 en 2015 à 9 000 aujourd’hui. « Les flics allemands protègent les fascistes ! », clame un jeune activiste. Situation délicate.

Extrémisme de gauche, de Rainer Fromm (All, 2018, 52 min) www.arte.tv/fr/videos/078741-000-A/extremisme-de-gauche