Philippe Lacheau tient le premier rôle dans son film « Nicky Larson et le parfum de Cupidon ». / Sony Pictures France

Quand l’acteur et réalisateur de comédies Philippe Lacheau a annoncé en juillet 2017 qu’il allait adapter et réaliser Nicky Larson, la nouvelle a fait bondir les fans du manga et la génération biberonnée au « Club Dorothée », l’émission pour enfants des années 1980 et 1990. Parce que la majorité des adaptations de bande dessinée japonaises a laissé quelques séquelles aux spectateurs, à l’image du Death Note de Netflix, mais aussi par méfiance envers l’acteur – il est à l’origine de succès français, comme Babysitting ou Alibi.com, aux antipodes de la pop culture nippone. Quelques mois plus tard, la première bande-annonce n’a fait que renforcer les doutes : nombreux sont ceux qui ont parié sur le fait que Philippe Lacheau allait rater son Nicky Larson, pour ne pas dire manquer de respect au matériau de base, la série imaginée par le talentueux Tsukasa Hojo dans les années 1980.

Nicky Larson et le Parfum de Cupidon - Bande-annonce 1
Durée : 01:24

Nicky Larson est le titre français de City Hunter, la plus célèbre des œuvres du mangaka, adaptée dans la foulée en série animée. Publié entre 1985 et 1991 dans le magazine japonais Weekly Shonen Jump, qui fait la pluie et le beau temps dans le monde du manga pour ados, City Hunter raconte l’histoire de Ryo Saeba, un « nettoyeur » acceptant différents types de missions, selon les demandes de ses clients. Héros au grand cœur mais aussi véritable obsédé et harceleur, il se retrouve davantage à jouer les gardes du corps que les tueurs.

Avoir le soutien du créateur

Alors que le film, intitulé Nicky Larson et le parfum de Cupidon, sort dans les salles françaises mercredi 6 février, force est de constater, quelle que soit l’opinion que l’on se fait du film, que Philippe Lacheau – entouré de son équipe surnommée la Bande à Fifi – a réussi son travail d’adaptation. Et a fait en sorte que les fans assidus de l’œuvre, tout comme les détracteurs qui estiment que Nicky Larson peut offrir une image dégradante des femmes, ne puissent lui formuler de reproches majeurs.

Le réalisateur français de 38 ans s’est assuré d’avoir le soutien de Tsukasa Hojo, qui détient et gère les droits de ses séries et mangas par son entreprise North Star Pictures. Le mangaka demande systématiquement un droit de regard sur les scénarios. Si Philippe Lacheau et sa bande ont proposé une histoire qui n’existait pas dans l’œuvre originale, M. Hojo l’a approuvée et amendée. Il l’a même particulièrement appréciée, a-t-il déclaré lors de son passage à la convention Comic Con Paris en octobre 2018.

« J’ai reçu beaucoup d’offres pour adapter City Hunter au cinéma. Et la plupart des scénarios que je recevais étaient assez plats, je recevais beaucoup de scénarios de films d’action qui n’avaient pas forcément compris le propos et, dans le scénario de Philippe, il y avait de tout : du drame, du rire, des trucs un peu coquins. Il avait pris en compte la globalité de l’œuvre. »

Pour couper court à un début de promotion désastreux, le producteur, Sony Pictures France, invite le mangaka aux côtés de Philippe Lacheau afin de défendre le projet devant un parterre de connaisseurs. L’occasion également pour le réalisateur et acteur français de prouver son amour et son respect de l’œuvre originale, dont il a potassé la trentaine de tomes du manga, la série animée et les adaptations, comme le film hongkongais de 1993 où Jackie Chan le précédait dans la peau du héros. La Bande à Fifi ne voulait pas que ce projet puisse être assimilé à une sorte de Dragonball Evolution français, du nom d’une adaptation américaine calamiteuse du plus célèbre des mangas qui, dix ans après sa sortie, provoque encore chez les fans une colère qui ferait passer Vegeta pour un moine bouddhiste.

Clins d’œil à la série animée et références cachées

« Nicky Larson est le film qui me tient le plus à cœur parce qu’il renvoie à l’enfance, j’ai grandi avec ce manga », racontait Philippe Lacheau lors du Comic Con Paris.

« C’est quelque chose de sacré. Dans les autres films, tu inventes, tu fais ce que tu veux alors que là, tu pars avec un cahier des charges. [L’œuvre] ne t’appartient pas, tu l’empruntes. Cela te tient à cœur que la personne qui l’a inventée s’y retrouve mais aussi ceux qui ont grandi avec. »

Comme autant de steaks jetés dans la cage aux lions, le réalisateur a multiplié dans le film les clins d’œil au dessin animé Nicky Larson, qui a popularisé la série dans les années 1990 en France, avec une version française caviardée et pleine d’anomalies devenues des madeleines de Proust. « Si tu fais Nicky Larson, tu es obligé d’avoir le corbeau, le marteau, les musiques », explique Philippe Lacheau au public.

« On est très fiers d’avoir Dorothée et il y a aussi le chanteur du générique français, Jean-Paul Césari, et Vincent Ropion, la voix française de Nicky. Des références cachées, il y en a mille. C’est une adaptation de “City Hunter”, mais c’est aussi un hommage aux années 1990. »

Nicki Larson : générique dessin animé vf
Durée : 02:23

L’acteur, qui assume de livrer une adaptation du dessin animé plus que du manga, promet toutefois de « ne pas exclure les autres générations qui pourront comprendre ». Car si le producteur Sony a suivi le caprice de Philippe Lacheau, il n’en reste pas moins qu’il souhaite s’assurer que celui-ci signe une comédie dans la veine de Babysitting ou Alibi.com, des locomotives du cinéma français dépassant les deux millions d’entrées. Nicky Larson ne craint peut-être personne, mais un four au cinéma pourrait signer le déclin de la Bande à Fifi, qui, depuis ses débuts à Canal+, n’a cessé d’aligner les cartons. La promotion de ce dernier film est d’ailleurs ambitieuse, avec une tournée dans plus de soixante-dix cinémas partout en France.

Il fallait éviter que les obsessions sexuelles du héros fassent rire au détriment des femmes

Philippe Lacheau, son frère Pierre, Julien Arrutti et Pierre Dudan, quatuor déjà aux commandes du succès de Babysitting, ont aussi dû faire en sorte que le ressort comique de Nicky Larson, qui repose essentiellement sur l’obsession pathétique et graveleuse du héros pour les femmes, ne fasse pas rire au détriment d’un sujet grave et largement dénoncé depuis la naissance du mouvement #metoo. Un point sur lequel le réalisateur a été systématiquement interrogé. « Dans le manga, Ryo Saeba bande toutes les deux pages, il casse des murs avec ses érections… Evidemment tu ne peux pas faire ça en film. Il fallait trouver le bon curseur où l’on garde l’ADN du personnage qui est fou des femmes, est un obsédé, mais aussi qu’il reste drôle sans jamais être choquant ou gênant. C’est ce qu’on a essayé de faire », défend Philippe Lacheau.

L’intrigue même de son film lui a permis d’éviter certains écueils : le fameux « parfum de Cupidon » du titre est un philtre d’amour qui va amener Nicky Larson à jeter son dévolu sur un homme. Et finalement questionner son attirance pour les femmes.