Breakdance aux JO : une satisfaction, des interrogations
Breakdance aux JO : une satisfaction, des interrogations
Le breakdance a été inscrit dans la liste des sports additionnels en lice pour intégrer le programme des Jeux olympiques de Paris, en 2024. Les pratiquants y sont plutôt favorables. Mais s’interrogent sur les règles et le format qui seront adoptés.
Le breakdance figurait au programme des Jeux olympiques de la jeunesse en 2018. / Jens Meyer / AP
« C’est extraordinaire, sachant que ça vient de la rue, que c’est entré dans les théâtres puis ça prend une nouvelle dimension avec les Jeux olympiques », s’enthousiasme Gabin Nuissier, directeur artistique d’Aktuel Force, une compagnie parisienne de breakdance. L’annonce de la proposition du Comité d’organisation des JO de Paris 2024 d’intégrer la discipline a créé la surprise auprès du grand public et a été plutôt bien perçue dans le hip-hop français, culture dont est issu le breakdance.
« C’est très positif d’être sollicité par cette énorme machine que sont les Jeux olympiques », considère Sacha Vangrevelynghe, membre de l’association calaisienne KLA District et entraîneur de Martin Lejeune, 16 ans, médaillé d’argent aux Jeux olympiques de la jeunesse dans la discipline en octobre 2018. « C’est un truc de ouf, embraye le jeune homme. Ça fait vraiment plaisir de voir notre sport arriver aux JO. »
« On trouve ça bien parce qu’on a toujours milité pour », lance Riyad Fghani, directeur artistique de la compagnie lyonnaise Pockemon Crew. Cette compagnie, qui a compté un temps dans ses rangs Brahim Zaibat (connu notamment pour avoir travaillé avec la chanteuse américaine Madonna), a été l’une des premières à participer aux Jeux de la Francophonie, en 2013 à Nice puis en 2017 à Abidjan. Une présence aux Jeux olympiques est perçue comme une continuité voire une certaine forme d’aboutissement par Riyad Fghani.
Le directeur artistique lyonnais se réjouit des bénéfices que pourraient apporter le cadre et la rigueur des Jeux. « Tout ce qui est lié à la drogue fait des dégâts dans le milieu du breakdance, dans les battles underground en particulier. Avec un encadrement strict comme celui des JO, j’espère que les danseurs de la nouvelle génération ne vont pas tomber dedans comme certains de l’ancienne génération. »
« Est-ce que ça va nous représenter ? »
Après la surprise et les points de satisfaction, vient ensuite le temps de la prudence, pour beaucoup. Une question revient : le breakdance est-il compatible avec le moule des Jeux olympiques ? Tant sur la pratique que sur la forme, certains craignent que cette discipline atypique, qui s’est « faite toute seule », doive se conformer aux règles des JO.
« Ce qu’ils vont proposer aux JO, est-ce que ça va nous représenter ? », s’interroge Youval Ifergane, l’un des principaux activistes de la culture hip-hop en France et speaker de la plupart des événements de breakdance. Les règles et le format que prendra la compétition lors des JO sont au cœur des préoccupations, car dans le milieu « chaque organisateur d’événement choisit le format et propose ses règles, il n’y a pas de format type ».
« Si le Comité olympique nous dit, par exemple, qu’il faut mettre une chasuble, il va falloir commencer à discuter, prévient Sacha Vangrevelynghe. Je ne vais pas mettre une chasuble pour faire un battle ! »
Le breakdance - au masculin, comme Youval Ifergane tient à le rappeler -, se définit par sa liberté, les battles étant mixtes et ouvertes à tous, des enfants pouvant se confronter aux adultes : « La force du hip-hop, c’est la nouveauté, une culture en perpétuelle mutation. La danse évolue constamment. »
Youval Ifergane craint, par exemple, qu’il y ait des figures imposées, que cela dénature cette discipline que les puristes appellent également « b-boying ». Gabin Nuissier veut lui aussi continuer à « sentir la danse » : « On voudrait que ça garde son naturel et que ça ne devienne pas quelque chose d’anesthésié. Ça ne doit pas devenir une mécanique. »
Art ou sport ?
L’ajout de la discipline au programme olympique des Jeux de 2024 fait resurgir un vieux débat dans le hip-hop français : le breakdance est-il un sport ou un art ? Les pratiquants sont partagés, mais le médaillé des JO de la jeunesse, Martin Lejeune, montre qu’il s’agit peut-être d’une synthèse des deux. « C’est un art mais on s’entraîne comme des fous pour réussir donc ça devient un sport. Je me considère comme un sportif », revendique celui qui aura 21 ans en 2024.
Désormais, les breakdanceurs sont dans l’attente de l’officialisation de cette décision - qui interviendra en décembre 2020 - pour lever certains de leurs doutes et en savoir plus sur l’organisation de cette compétition. « Mais est-ce que le hip-hop a besoin des Jeux olympiques ? », s’interroge néanmoins Youval Ifergane.