Canal+ Décalé, samedi 2 mars à 20 h 55, film

Entre Cheval de guerre, Lincoln, Le Pont des espions et Pentagon Papers, la filmographie de Steven Spielberg a pris, au cours des années 2010, un tour très sérieux. Cette série de fresques historiques trempées dans des bains de couleurs désaturées pouvait laisser croire que l’inventeur du block­buster, après trois décennies passées à enchanter la jeunesse du monde entier, avait tourné la page de l’entertainment pur jus.

Le tsunami Ready Player One (2018) remet brutalement les pendules à l’heure. Inspiré d’un roman à succès d’Ernest Cline, le film se déroule en 2045 entre les bidonvilles saturés d’échafaudages de la ville dépotoir qu’est devenue Columbus (Ohio) et les décors bariolés, perpétuellement mutants, du paradis virtuel de l’Oasis. Imaginé vingt ans plus tôt par James Halliday, ce monde qui se développe au gré de l’imagination des joueurs est devenu l’ultime refuge pour les habitants d’une planète surpeuplée, sururbanisée, surexploitée, où l’air est devenu irrespirable.

Dans l’enveloppe de son avatar Parzival qu’il endosse en allumant son casque de réalité virtuelle, le jeune Wade Watts (Tye Sheridan, remarqué il y a quelques années dans The Tree of Life, de Terrence Malick, et dans Mud, de Jeff Nichols) passe le plus clair de son temps à chercher un « Easter Egg » (« œuf de Pâques ») caché dans le système par son créateur, obsédé par cette idée. L’existence de cet artefact a été révélée dans une vidéo mise en ligne après sa mort, dans laquelle James Halliday annonçait qu’il ferait de celui qui le trouve son légataire universel, et énonçait trois énigmes qu’il fallait résoudre pour y arriver.

Le jeu est virtuel, mais l’enjeu est tout ce qu’il y a de plus réel : 500 milliards de dollars, et le contrôle de l’entreprise qui gère l’Oasis. Autant dire que les jeunes geeks passionnés ne sont pas seuls dans la course.

Entre optimisme et angoisse

Le monde ravagé de Ready Player One rappelle celui de A.I. Intelligence artificielle. Face à ses jeunes héros qui apprennent ensemble à développer des sentiments, des liens de solidarité, un sens de la responsabilité, on pense parfois à David, l’enfant robot sensible que rejetaient des humains incapables d’aimer. Cette veine mélancolique dont la charge émotionnelle explose dans une scène finale magnifique traduit ce conflit jamais résolu chez le cinéaste entre un optimisme enfantin vis-à-vis du progrès technologique et une angoisse profonde quant à ses effets sur des adultes dangereusement irresponsables.

Ready Player One - Bande-Annonce Officielle (VF) - Steven Spielberg
Durée : 02:19

Ready Player One, de Steven Spielberg. Avec Tye Sheridan, Olivia Cooke, Ben Mendelsohn, Lena Waithe (EU, 2 h 20). www.mycanal.fr/cinema/ready-player-one