« Le Mystère Henri Pick » : jeu de piste littéraire entre la capitale et le Finistère
« Le Mystère Henri Pick » : jeu de piste littéraire entre la capitale et le Finistère
Par Jacques Mandelbaum
Rémi Bezançon signe une chronique sur le monde de l’édition, entre polar et comédie sentimentale.
Après Doubles vies, d’Olivier Assayas, c’est au tour de Rémi Bezançon de s’essayer, avec Le Mystère Henri Pick, à une chronique douce-amère autour du monde de l’édition française, ou, pour être plus précis, parisienne. On connaît l’auteur de Ma vie en l’air (2005) et du Premier Jour du reste de ta vie (2008) pour son sens de la fantaisie et de la légèreté appliqué à des post-adolescents tardifs. Après un essai plus laborieux dans le genre (Nos futurs, 2015), il semble vouloir rompre les amarres et nous présente son premier film de la maturité.
Adaptant pour ce faire un roman de David Foenkinos, il s’y amuse à entremêler trois registres : la chronique sociologique, la comédie sentimentale, le polar. L’histoire est la suivante. Une jeune éditrice aux dents longues (Alice Isaaz), à la recherche d’un coup juteux, découvre en Bretagne une bibliothèque consacrée aux manuscrits refusés par les éditeurs. Elle y trouve une pépite, Les Dernières Heures d’une histoire d’amour, écrite dans le plus grand secret par un pizzaiolo local, Henri Pick, mort et enterré depuis. Elle décide de l’éditer, soutenant l’opération par un plan marketing (le prolo provincial donnant une leçon de génie littéraire aux auteurs patentés) qui marche au-delà de ses espérances. L’ouvrage est un succès populaire.
Là-contre, un grain de sable pénètre dans la machine. Il a pour nom Jean-Michel Rouche (Fabrice Luchini) et exerce à la télévision la fonction enviable de critique littéraire et d’animateur à succès. Tandis qu’il reçoit la veuve de l’écrivain sur son plateau, femme modeste abasourdie par le succès du livre, ne voilà-t-il pas qu’il lance tout à trac un pavé dans la mare, épouvantant au passage la veuve : et si ce roman d’Henri Pick était un faux ? Ainsi le sent-il, et l’exprime-t-il de toutes les fibres de son être critique, au risque d’écorner le beau storytelling populaire.
Enquête extravagante
Mal lui en prend. L’empêcheur de tourner en rond, nonobstant sa petite gloire médiatique, se retrouve du jour au lendemain privé de sa femme et de son travail. Accablé, Rouche se lance, seul, dans une enquête extravagante, destinée à prouver la supercherie pressentie. Entre la capitale et le Finistère, elle le mène de fausses pistes en vraies découvertes, au croisement de personnages aussi divers que Joséphine (Camille Cottin), la fille récemment divorcée et droite dans ses bottes d’Henri Pick, ou Frédéric (Bastien Bouillon), jeune écrivain cauteleux, auteur du bide La Baignoire, et qui est en train de se séparer de l’heureuse éditrice de ce coup littéraire.
Tout cela se voit et s’éprouve sans déplaisir, sur les ailes d’une machinerie vaporeuse telle que les chérit Rémi Bezançon, au gré d’une intrigue qui, à mesure qu’elle s’envase, se met à gentiment ronronner. On s’en tirera avec rien de plus que quelques égratignures, content du spectacle mais conscient qu’il n’y a pas ici de quoi fouetter un chat.
The Mystery of Henri Pick / Le Mystère Henri Pick (2019) - Trailer (French)
Durée : 01:33
Film français de Rémi Bezançon. Avec Fabrice Luchini, Camille Cottin, Alice Isaaz (1 h 40). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Le-mystere-Henri-Pick.html et www.unifrance.org/film/45543/le-mystere-henri-pick