Tollé après la menace d’une grève des IVG par un syndicat de gynécologues
Tollé après la menace d’une grève des IVG par un syndicat de gynécologues
Par Solène Cordier, François Béguin
La ministre de la santé, Agnès Buzyn, dénonce une inadmissible « prise en otage des femmes ».
Sept mois après le tollé suscité par les propos anti-avortement de son président, le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens (Syngof) est, de nouveau, sous le feu de vives critiques. Pour se « faire entendre » du ministère de la santé et obtenir la satisfaction d’une revendication concernant le fonds de garantie de la profession, le conseil d’administration du principal syndicat de cette spécialité médicale a demandé, dans un e-mail envoyé mardi 12 mars, à environ 2 000 de ses adhérents de se « tenir prêts à arrêter la pratique des IVG ». Autrement dit, de faire une grève des interruptions volontaires de grossesse.
« Je suis désolé de devoir brandir une menace, mais toucher à un tabou est la seule façon d’être pris en considération lorsqu’un problème important n’est pas pris en compte », assume Jean Marty, l’ex-président du Syngof et membre du conseil d’administration du syndicat. « Le Syngof n’a pas de problème avec l’IVG, la société en a un », fait-il valoir. Mercredi, la diffusion du courriel sur les réseaux sociaux a valu au syndicat une série de sévères condamnations, dont celle de l’ordre des médecins, pour qui brandir une telle menace est « totalement contraire à la déontologie médicale ».
« Un chantage inacceptable »
Dans un communiqué, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a dénoncé le « caractère inadmissible de ces menaces qui vont à l’encontre du respect inconditionnel du droit à l’IVG garanti dans notre pays ». Marlène Schiappa a, de son côté, pointé « un chantage inacceptable ». Depuis le siège des Nations unies, à New York, où elle prononçait justement un discours sur l’IVG et les droits sexuels et reproductifs, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes a rappelé que « partout dans le monde les droits des femmes sont menacés, parfois par des gouvernements, parfois par des groupes d’intérêt, des ONG, des syndicats ». « La simple existence de ces menaces est une honte », a-t-elle averti.
Les collectifs féministes n’ont pas manqué de relever, à l’instar de l’association Osez le féminisme sur Twitter, ce nouveau « délit d’entrave à l’IVG, contraire à toute déontologie médicale ».
Le @SYNGOF menace de faire grève de l'IVG. Ils auraient pu faire la grève des frottis, non... grève de l'IVG... De… https://t.co/q8cARt5YOR
— osezlefeminisme (@Osez le féminisme !)
Pour la coprésidente du Planning familial, Caroline Rebhi, ce « discours rétrograde » n’est « pas franchement une surprise » venant du Syngof, qui « est coutumier des débordements de ce genre ». La militante souligne le risque de décrédibilisation de toute la profession. « Cette nouvelle affaire nous montre que le droit à l’avortement, même s’il est inscrit dans la loi, n’est pas encore considéré comme acquis », estime-t-elle.
A l’origine de la « provocation » du Syngof, la demande que le fonds de garantie de la profession (FAPDS) couvre mieux les praticiens condamnés pour des erreurs médicales. Une quinzaine d’entre eux, condamnés entre 2002 et 2012, sont particulièrement concernés, car le fonds était, à cette époque, plafonné à hauteur de 3 à 6 millions d’euros, pour des condamnations pouvant dépasser 10 à 12 millions d’euros. « On a l’impression que ce fonds est un leurre, car il ne fonctionne pas avec les douze premiers cas », déplore Jean Marty. L’ancien président du Syngof se dit, par ailleurs, « inquiet du bon fonctionnement pour les cas à venir, aucune de la trentaine de demandes déposées depuis 2012 n’ayant été accordées ».
Dans son communiqué, Agnès Buzyn dénonce la méthode du Syngof, qui ne sert pas l’avancée de ses revendications : « Une telle prise en otage des femmes ne peut servir de levier de négociation et de médiatisation de ce dossier que le ministère suit de très près. »