Majd Bakar, directeur du développement chez Google, présente la technologie derrière Stadia. / JOSH EDELSON / AFP

Mardi 19 mars, la firme de Mountain View a levé le voile sur Stadia, son service de jeu vidéo à la demande. Accessible depuis n’importe quel périphérique connecté compatible, à la manière de plates-formes comme Netflix ou Spotify, il permettra à l’utilisateur de jouer aux jeux vidéo les plus spectaculaires sans matériel de jeu vidéo dédié. Que faut-il en penser ? Premiers éléments de réponse.

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Loh : C’est bête, ils ont oublié de parler du prix !

Google se réserve pour plus tard, mais il n’est pas acquis que le service soit payant. On ne peut écarter l’hypothèse d’une plate-forme gratuite, financée par de la publicité ciblée, à la manière de YouTube. Mais pas sûr que les éditeurs s’y retrouvent avec un modèle pareil, sauf si le nombre d’utilisateurs est réellement conséquent. Google n’a pas oublié d’insister sur les 200 pays que Stadia prétend à terme viser (même s’il n’en existe officiellement que 197). D’une manière générale, on ignore tout du modèle économique de cette plate-forme pour l’instant, même si un système d’abonnement mensuel à la Netflix ou Spotify serait le plus naturel.

Fred : Bonjour. Donc, pour l’instant, Google n’a pas annoncé un catalogue à faire pâlir de jalousie Sony ou Microsoft ?

Non, pour l’instant, Google était davantage dans une optique de séduire les développeurs que de tout montrer aux consommateurs. C’est aussi la raison pour laquelle cette conférence s’est tenue durant un Salon professionnel et non grand public. Cela laisse supposer que Google communiquera une deuxième fois cette année, cette fois pour mettre en avant le catalogue et le prix de son service.

L’expérimentée Jade Raymond, nommée responsable du département de création de jeu vidéo de Stadia, incarne la volonté de Google de s’appuyer sur l’industrie du jeu vidéo traditionnelle. / STEPHEN LAM / REUTERS

anonymes : Ça va être chaud de concurrencer le reste du marché. Vous pensez que Google a ses chances ?

Il est trop tôt pour le dire : il faudrait connaître son catalogue de lancement, savoir si l’expérience est réellement fonctionnelle, quel serait son coût direct (prix) ou indirect (publicités, collecte de données) pour l’utilisateur, etc.

Ce qui est certain, à ce stade, c’est que Google a d’ores et déjà réussi à se positionner comme un acteur légitime, à la fois grâce à sa notoriété, l’expérience de ses recrues, son emploi des codes de l’industrie et son positionnement très « gameur », auquel sont sensibles de nombreux joueurs. Ses solutions pour les développeurs sont par ailleurs alléchantes, et le concept d’un service permettant de partager sa partie de jeu vidéo à la volée est très alléchant.

Mais il ne faut pas oublier que le cloud gaming demande une excellente connexion, a fortiori pour des jeux d’action en haute résolution, et que donc son déploiement ne pourra être que très progressif, ne serait-ce que pour des raisons d’infrastructure réseau. C’est moins vrai des jeux grand public comme Candy Crush Saga, Les Sims, etc., mais ce ne sont pas du tout ceux que Google a choisi de mettre en avant dans cette phase de lancement.

Kob : C’est aussi Orange, Free, etc., qui vont râler. Parce que ça va prendre bien plus de place dans les tuyaux que Netflix, qui représente déjà une sacrée partie du flux mondial. Tout ça sans avoir à financer les infrastructures locales…

Excellente remarque, alors qu’en 2018, Netflix représentait à lui seul 15 % de la bande passante mondiale et plus du tiers aux Etats-Unis.

Pika : Question d’ordre général. Le fait d’utiliser la technologie cloud et le streaming (j’ignore s’il s’agit du même mot pour désigner la même chose, je l’avoue) aura-t-il une incidence sur la qualité graphique et l’intelligence artificielle déployées dans les jeux ? Assisterons-nous à un véritable bond en avant en la matière grâce à cette technologie ?

Le streaming consiste à lire une vidéo hébergée sur Internet en la téléchargeant à la volée, sans la stocker sur son ordinateur. Le cloud gaming, lui, consiste à jouer à un jeu vidéo sans avoir à le télécharger, les calculs informatiques étant effectués sur des serveurs distants. Ce sont deux concepts très proches l’un de l’autre et, surtout, quasi identiques du point de vue de l’expérience utilisateur.

La technologie est au point pour la vidéo, et elle est au point de devenir mature en jeu vidéo – un divertissement qui demande davantage de réactivité, réflexes obligent. Le PlayStation Now offre par exemple une solution tout à fait correcte, mais avec une qualité graphique effectivement revue à la baisse, ou une fenêtre d’affichage réduite. La démocratisation de la fibre et l’arrivée de la 5G côté utilisateurs, et le déploiement de serveurs plus puissants côté fournisseurs de service devraient permettre au cloud gaming de devenir plus viable, même pour les jeux les plus exigeants.

Pacman : Peut on espérer un lancement mondial ou faut-il prévoir une attente en mois/années pour une arrivée en France ?

Nous aurons la réponse très bientôt, mais le temps des lancements à plusieurs mois d’intervalles semble révolu, comme l’a montré le lancement de la Switch. Il est même imaginable que le service de Google soit en ligne très vite. Seule inconnue : les infrastructures Internet, très différentes d’un pays à l’autre. Il n’est pas dit, voire même improbable, qu’un service comme Stadia fonctionne dans les zones rurales ou mal desservies, comme le métro.