Pourquoi, comme Florent Manaudou, les nageurs sortent-ils de leur retraite pour replonger ?
Pourquoi, comme Florent Manaudou, les nageurs sortent-ils de leur retraite pour replonger ?
Par Clément Martel
Le champion olympique du 50 m nage libre en 2012 a annoncé, mardi, son retour à la compétition, en vue des JO de Tokyo. Comme lui, d’autres nageurs ont retrouvé le chemin des bassins.
Après une interruption de trois ans, Florent Manaudou revient à la natation, pour espérer remporter l’or olympique à Tokyo. / Sergei Grits / AP
Il remet le bonnet, rechausse ses lunettes et renfile son maillot. Après une parenthèse de près de trois ans loin des bassins, Florent Manaudou reprend la natation. A 28 ans, le champion olympique du 50 m nage libre aux Jeux de Londres en 2012, a annoncé, mardi 19 mars, son retour à la compétition. Objectif Tokyo 2020 et Paris 2024 pour le nageur, qui était retourné à ses premières amours, le handball, lors de sa retraite.
Vingt ans jour pour jour après le « I’m back » de Michael Jordan – envoyé par fax à l’époque – annonçant le retour du basketteur américain après dix-huit mois sabbatiques, Florent Manaudou imite le numéro 23 : « Je reviens ».
Dans un long entretien à L’Equipe, le frère de Laure relate son « envie de reprendre la compétition ». Six mois après Amaury Leveaux, un nouveau champion de la natation française annonce son retour. Et comme l’ancien enfant terrible des bassins français, Manaudou vise l’or olympique sur le 50 m nage libre.
« On n’est pas des poissons ! »
Qu’est-ce qui peut pousser ainsi les nageurs à replonger, après avoir interrompu leur carrière ? Pour l’entraîneur Michel Chrétien, aujourd’hui à la tête du Pôle d’excellence parisien de l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), les – nombreux – retours à l’eau de champions s’expliqueraient par « un amour viscéral de leur sport » et « l’envie de prouver qu’ils ont encore quelque chose à faire au plus haut niveau ».
Discipline exigeante, la natation rince et essore ses pratiquants. « A Rio, je n’avais plus de plaisir », explique Florent Manaudou, pourtant loin d’enchaîner les kilomètres comme le faisait sa sœur à l’entraînement.
Comme elle, puis lui, ou encore la quintuple championne olympique américaine Missy Francklin récemment, de nombreux nageurs ont jeté l’éponge au faîte de leur carrière. « On n’est pas des poissons, justifie Michel Chrétien. Il faut qu’on se trempe tous les jours, et c’est très usant. Après dix ans de pratique, on peut perdre le fil de la motivation, et la notion de plaisir s’étiole au fil des années, à l’entraînement. »
Un retour en sprint, peut-être moins complexe
Outsider sacré champion olympique à l’âge de 21 ans, Florent Manaudou a évolué ensuite avec la cible du favori sur le dos. Refermant sa parenthèse handballistique, il se réjouit « d’être le chasseur, de ne plus être le meilleur, et d’essayer de le devenir. »
S’il sait que la route est encore longue jusqu’au bassin olympique de la capitale nippone, le nageur, qui évoluera dans le club Energy Standard, à Antalya (Turquie) auprès de son entraîneur James Gibson, se dit « excité de renager et [se] reconfronter aux meilleurs. »
Reste la question de revenir à son meilleur niveau. Si, à la différence d’autres nageurs en retraite, le jeune homme est demeuré un sportif de haut niveau, en tentant sa chance dans le handball – en quatrième division –, « il doit replonger dans son élément », insiste Michel Chrétien.
Ce dernier se dit toutefois « très confiant » en la capacité de Manaudou à atteindre ses objectifs, « tant il maîtrisait son sujet sur 50 m. » « Si on parlait d’un 400 m nage libre, ce serait très complexe, mais là on parle de sprint », poursuit l’entraîneur.
Imiter l’Américain Ervin, sacré à 35 ans
Le Français pourra prendre exemple sur l’Américain Anthony Ervin, qui, à 35 ans, l’avait devancé pour un sacre olympique à Rio après huit ans d’abstinence aquatique, entre 2003 et 2011. Déjà en or aux JO de Sydney (2000), celui qui a ensuite tenté une carrière dans le rock a rapidement retrouvé son meilleur niveau après avoir replongé.
« Si jamais je fais pareil que lui, je serais content », souffle Manaudou dans L’Equipe. En 2024, à Paris, il aura 33 ans, et assure qu’il ne « sera pas trop vieux. » D’autant que si sa sœur pourra lui rappeler que tout retour n’est pas victorieux, d’autres ont réussi leur come-back – à commencer par l’Américain Michael Phelps, légende de la natation (cinq titres olympiques supplémentaires à Rio en 2016, après une coupure entre 2012 et 2014).
« Je n’ai plus un corps de nageur, il faut que je le retransforme », constate le désormais ex-handballeur. Il devra adapter son physique à sa discipline notamment au niveau des pectoraux et des bras.
Une nouvelle transformation à venir pour celui qui « manquait de jambes » lors de son arrivée dans le monde de la balle pégueuse, selon le manageur général du club d’Aix-en-Provence, mais qui y a développé « beaucoup d’explosivité ».
« Ce que j’ai gagné sur les jambes au hand, il faut que je le garde, parce que ça va être un atout », estime Manaudou. Décidé à replonger, il a de nouveau un objectif en tête : « Je ne reviens pas pour faire une demi-finale à Tokyo ».