Concurrence : l’Europe inflige à Google une troisième amende, d’un montant d’1,49 milliard d’euros
Concurrence : l’Europe inflige à Google une troisième amende, d’un montant d’1,49 milliard d’euros
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen), Alexandre Piquard
L’institution communautaire reproche au leader mondial de la recherche en ligne d’avoir cherché à étouffer la concurrence d’AdSense for search, son système de publicité contextuelle.
La Commissaire européenne à la concurrence, la Danoise Margrethe Vestager, à Bruxelles, en juillet 2018. / JOHN THYS / AFP
Et de trois. La Commission européenne a sanctionné, mercredi 20 mars, Google d’une troisième amende pour abus de position dominante. Cette fois-ci, la décision concerne AdSense for search, un système de publicité contextuelle du leader mondial de la recherche en ligne, a expliqué la Commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, lors d’une conférence presse. Le montant de l’amende a été fixé à 1,49 milliard d’euros. Les deux précédentes visaient le système d’exploitation Android, qui équipe smartphones et tablettes, et le comparateur de prix Google Shopping.
Limiter artificiellement la concurrence
Concrètement, la Commission européenne reproche à Google d’avoir cherché à étouffer la concurrence d’AdSense for search. Ce service permet à des sites Web, par exemple de médias, de boutiques en ligne ou d’opérateurs téléphoniques, d’installer un moteur de recherche de Google qui, quand un internaute tape un mot-clef, affiche des liens de publicité contextuelle. Si le visiteur clique sur ces liens, Google et le site qui affiche AdSense for search sont rémunérés.
Le problème, selon la Commission, c’est que Google a limité artificiellement la possibilité, pour les utilisateurs d’AdSense for search, d’utiliser des services d’affichage de publicités contextuelles concurrents de Google : d’abord, le géant de la recherche en ligne a imposé l’exclusivité de son service, de 2006 à 2009, puis il a imposé d’afficher un minimum de liens publicitaires d’AdSense et de leur réserver des emplacements privilégiés.
Google a procédé à certains ajustements pour tenter de répondre aux accusations de l’institution communautaire. Mais celle-ci a considéré que le groupe, qui représente selon elle 80 % du marché de l’intermédiation publicitaire liée aux recherches, avait porté préjudice au choix des consommateurs et à l’innovation.
Une marque du mandat de Margrethe Vestager
Avec cette troisième amende, Margrethe Vestager souhaite achever son mandat de Commissaire européenne à la concurrence comme elle l’a commencé : avec méthode. Ces sanctions spectaculaires ont marqué son action à la concurrence, qui se termine théoriquement fin octobre.
En juillet 2018, Mme Vestager avait infligé à Google une amende record de 4,34 milliards d’euros pour « pratiques illégales » concernant les smartphones équipés de son système d’exploitation Android. La commissaire et ses équipes avaient constaté que, « depuis 2011 », le groupe imposait des « restrictions illégales » aux fabricants d’appareils Android et aux opérateurs mobiles « afin de consolider sa position dominante sur le marché de la recherche en ligne ».
Un an plus tôt, la Danoise avait déjà frappé un grand coup en décidant d’une amende de 2,42 milliards d’euros, la toute première de cette importance, toujours pour « abus de position dominante », à l’encontre du comparateur de prix Google Shopping.
Avec Google Shopping, le service de publicités AdSense est l’un des premiers à avoir attiré l’attention de l’institution communautaire – par le biais des plaintes reçues de concurrents de Google – dès 2009. A l’époque, le commissaire chargé de la concurrence, l’Espagnol Joaquim Almunia, avait préféré tenter une négociation, espérant qu’elle suffirait à obliger Google à changer ses pratiques. Le géant américain avait proposé une série de modifications, jugées cependant largement insuffisantes par les multiples plaignants du groupe de services en ligne.
En arrivant à Bruxelles, Mme Vestager a privilégié une approche radicalement différente – la manière forte –, préférant les lourdes amendes aux interminables tractations. Google a certes interjeté appel des deux premières auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, mais il se garde désormais de contester trop frontalement les décisions de la commissaire.
Les changements promis par Google
On sent désormais presque une lassitude du côté de Google : les dirigeants du groupe aimeraient en finir avec ces enquêtes, qui, depuis des années, entretiennent la pression médiatique sur le groupe. « Durant tout ce processus [de discussion avec la Commission], nous avons toujours été d’accord sur une chose : des marchés prospères sont dans l’intérêt de tous », affirme Kent Walker, vice-président responsable des affaires internationales chez Google, dans un post de blog publié quelques heures avant la décision de Mme Vestager, mercredi.
« Chaque année, nous appliquons des milliers de modifications à nos produits, encouragés par le retour d’expérience de nos partenaires et de nos utilisateurs. Ces dernières années, nous avons aussi modifié Google Shopping, notre système de licences d’applications mobiles, ou AdSense en réponse directe aux préoccupations de la commission », ajoute le dirigeant.
Est-ce une manière de calmer davantage des plaignants extrêmement vigilants ? Ou de préparer le terrain politiquement ? Le changement de commission – et de commissaires – qui devrait résulter des élections européennes du 26 mai est une occasion toujours propice à des modifications d’approche. Toujours est-il que, mercredi, M. Walker a aussi promis que, « dans les prochains mois », Google offrirait plus de choix à ses utilisateurs. « Grâce au Play Store, nous allons commencer à demander aux utilisateurs de nos appareils Android en Europe quels navigateurs et moteurs de recherche ils souhaitent choisir ». Concernant Google Shopping, il a confirmé que le groupe testait une nouvelle mise en page proposant des liens directs vers d’autres moteurs de shopping.
Il faut dire que les dossiers réglementaires sont loin d’être clos pour Google, qu’il s’agisse de l’Union européenne ou du droit à la concurrence. En effet, outre les débats sur la fiscalité du numérique, les services de la Commission ont confié s’intéresser de près à d’autres de ses services : son moteur de recherche d’annonces d’emploi, son comparateur de vols aériens et son moteur de recherche de commerces de proximité. L’importance du thème de la régulation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) dans la campagne des européennes et le résultat des élections donneront des indications sur la suite.