Aux enchères, les verreries d’Emile Gallé cotent de 300 euros à… 200 000 euros
Aux enchères, les verreries d’Emile Gallé cotent de 300 euros à… 200 000 euros
LE MONDE ARGENT
La production d’Emile Gallé (1846-1904), l’un des plus grands créateurs verriers de l’histoire, s’est étalée sur plus d’un demi-siècle, ce qui explique le grand écart de valeur des pièces sorties de la manufacture.
Vase d’Emile Gallé en verre multicouche de forme balustre à talon rond. Le corps central du vase est retravaillé à la meule pour former un décor de branchages en relief. Signé « Gallé » à la pointe au trait double et annoté « Expos 1900 ». Estimé 60 000 à 80 000 €, il est présenté à la vente aux enchères du 8 mars 2019, chez Drouot, par Gros & Delettrez. / GROS & DELETTREZ
Il en existe à 300 euros, mais aussi à 200 000 euros… Du coup, à quel prix acheter une verrerie Gallé ? Tout dépend de quelle pièce il s’agit, car la production s’est étalée pendant plus d’un demi-siècle. Ange Baron, du cabinet d’expertise PBG, explique : « Dans les ventes aux enchères actuelles, Gallé, c’est d’abord un marché très commercial de pièces industrielles, qui ont été diffusées en grand nombre, entre 1904, date du décès d’Emile Gallé, et les années 1930, au moment où les établissements Gallé ferment. Ces pièces cotent entre 400 euros et 10 000 euros. » La fourchette est large, mais elle signifie simplement que certaines pièces, plus rares – édition en petite série, motifs plus recherchés (des animaux, certaines fleurs…), pièces de forme plutôt qu’utilitaires, etc. –, font grimper les prix.
Deuxième catégorie, les pièces industrielles éditées du vivant d’Emile Gallé, entre 1880 et 1904. Leur prix peut se situer entre 15 000 euros et 60 000 euros environ. Sans être uniques, elles représentent un travail plus abouti, plus intéressant que celles qui vont les suivre. Mais ce qui affole réellement les enchères, ce sont les pièces uniques (ou presque), signées du maître lui-même, à l’occasion de commandes exceptionnelles.
La société parisienne Gros & Delettrez proposait justement un « Dragon héraldique » dans sa vente du 8 mars, à Drouot. Il s’agit d’un pot couvert à dominante rouge, dont les experts n’ont retrouvé aucun double ou jumeau. Il est en revanche décrit dans la Revue des Arts décoratifs de 1895. Cette pièce exceptionnelle est estimée entre 200 000 euros et 300 000 euros.
Elle correspondait en tout point aux critères qui emballent les enchères : des inclusions (de faïence émaillée), des dorures, des oxydes métalliques argentés, un sujet (le dragon) atypique… Bref, tout le talent innovant d’Emile Gallé. Cependant, elles n’ont pas trouvé acquéreur… Le prix de réserve devait être trop élevé.
Verre multicouche
Maître verrier, fondateur de l’Ecole de Nancy, mais aussi faïencier, ébéniste, inventeur et industriel, Emile Gallé (1846-1904) fait indubitablement partie des grands créateurs de l’histoire. Il reste principalement dans les mémoires pour ses productions en verre multicouche travaillé à l’acide (Gallé n’a jamais fait de pâte de verre, la confusion est fréquente). Le principe : une pièce constituée de plusieurs couches successives de verre de différentes couleurs est plongée dans un bain d’acide qui ronge certaines zones (le reste est protégé par du goudron), ce qui fait apparaître le décor.
« Ces verres, et les vases en particulier, ont longtemps été le cadeau de mariage traditionnel, rappelle Matthias Jakobowicz, commissaire-priseur de Melun (Seine-et-Marne). Ils sont nombreux dans les ventes, leur cote est bien connue, il n’y a pas de surprise. Le marché était auparavant porté par les Japonais, friands de motifs végétaux, mais ils n’achètent plus, et les collectionneurs, français et autres, ont repris le flambeau. »
Les verreries Gallé sont effectivement des classiques… A tel point que les faussaires s’y intéressent depuis longtemps. « Pour 90 % d’entre elles, il s’agit de faux assez grossiers fabriqués en Roumanie », prévient Ange Baron, qui livre quelques pistes pour repérer ces pièces : « Commencez par la signature. Les fausses ont souvent des contours flous, et sont trop visibles ou trop imposantes par rapport à la taille de l’objet. Sur l’aspect général, sachez qu’un vrai Gallé ne comporte pas de faute, de débordement ni de zones floues. Il s’agit toujours de pièces bien exécutées, le rendu du dessin est précis. De la même façon, les couleurs sont vives et nuancées. » Une précision : ces faux ne concernent que le premier marché, celui des pièces industrielles.