LA LISTE DE LA MATINALE

Dans « Shrill », Aidy Bryant joue le rôle d’une jeune femme en accord avec son apparence et à la sexualité épanouie. / CAPTURE D'ECRAN / YOUTUBE

« Fat is the new black », serait-on tenté d’écrire, au vu de séries récentes où les personnages féminins en surpoids tiennent la barre et où l’on ose prononcer le mot fat (« grosse ») : après This Is Us, créée en 2016 par Dan Fogelman, voici Dietland, créée par Marti Noxon (à l’origine, en autres, de Sharp Objects), sortie fin 2018 et disponible sur Amazon, ainsi que Shrill, créée par la comédienne Aidy Bryant, que diffuse Hulu outre-Atlantique depuis le 15 mars avant qu’une éventuelle disponibilité en France soit confirmée.

« This Is Us » : l’appel aux larmes

La saison 3 de This Is Us est presque parvenue à son terme : le 18e et dernier épisode sera diffusé le 6 avril par Canal+ Séries. La série, dont l’un des personnages principaux est une jeune femme en grand surpoids, Kate (Chrissy Metz), se noie hélas trop souvent dans l’eau de rose et appelle constamment aux larmes au long d’un récit qui n’en finit pas d’inventer ses sources et de dévider ses rhizomes narratifs afin de fournir de la matière aux six longues saisons programmées. Le personnage de Kate est constamment victimisé, médicalisé et elle-même fait de son poids le centre d’une vie sans cesse menacée par la culpabilité.

La perte de poids vécue comme le chemin vers la rédemption diététique est tellement au centre du propos de This Is Us que la comédienne a révélé que son contrat l’obligeait à maigrir au fil des saisons, même si elle a rapidement précisé qu’aucun objectif chiffré n’était stipulé. Il se pourrait donc, au vu des premières trois saisons, qui n’ont pas fait évoluer la silhouette de Kate, que celle-ci en vienne à une acceptation psychologique de sa situation pondérale et à faire la paix avec l’image qu’elle a d’elle-même ou que d’autres lui projettent en retour.

This Is Us (saison 3), série créée par Dan Fogelman. Avec Chrissy Metz, Milo Ventimiglia, Mandy Moore, Sterling K. Brown (EU, 2018, 18 x 42 min.) Disponible sur Canal+ à la demande.

This is Us saison 3 - Bande annonce - CANAL+
Durée : 00:32

« Shrill » : un peu court

Cette courte série a été adaptée du best-seller de Lindy West, Shrill : Notes from a Loud Woman (Hachette Books, 2016, non traduit). Aidy Bryant, très connue du public nord-américain pour sa participation, depuis 2012, à l’émission satirique « Saturday Night Live », et un peu moins des Français pour être apparue dans Girls (2012-2017), de Lena Dunham, incarne, dans Shrill, un personnage qui est tout l’inverse de celui de Kate dans This Is Us : si Annie accuse réception avec une belle humeur et un solide humour des diverses agressions concernant son apparence, elle se trouve finalement plutôt en accord avec elle-même. Surtout, elle a une vie sexuelle libre et épanouie avec des garçons qui la désirent, même si elle devra convaincre l’un d’entre eux d’enfin assumer publiquement son goût pour un type physique que beaucoup d’hommes raillent ou feignent de railler.

Le ton est léger (avec une longue scène réjouissante lors d’une « pool party » réservée aux rondes), parfois un peu sitcom surjouée, et les six courts épisodes encouragent malheureusement quelques raccourcis et facilités. Mais les thématiques de harcèlement sont évoquées – même si la confrontation d’Annie et de son harceleur en ligne n’est pas très crédible. Cette dernière scène ainsi qu’une conversation d’Annie avec son petit ami laissent penser que cette courte saison – qui semble s’achever au mitan du propos – devrait connaître une suite. A l’heure où ces lignes sont écrites, elle n’a toujours pas été confirmée.

Shrill: Trailer (Official) • A Hulu Original
Durée : 02:29

Shrill, série créée par Aidy Bryant. Avec Aidy Bryant, Lolly Adefope, Luka Jones (EU, 2018, 6 x 24 min.) Hulu. Non encore disponible en France.

« Dietland » : quand le « bypass » ne passe pas

Contrairement à Annie, Plum (Joy Nash) est encore vierge et peu à l’aise avec son corps. Elle est évidemment la proie de certains fétichistes tandis qu’elle ne voit pas (ou ne croit pas) forcément le désir sincère qu’elle peut susciter chez d’autres. Des trois séries ici évoquées, le propos de Dietland est le plus radical, à tel point que la situation de Plum, qui finit par renoncer à l’opération de réduction gastrique envisagée, par crainte de ses possibles dangers, est bientôt liée à une sorte de branche armée du mouvement #metoo. Le récit est ambitieux, la réalisation inventive (avec des incrustations de dessins, animés ou non), et le cheminement personnel de Plum plus richement développé que dans Shrill et, il va sans dire, que dans This Is Us.

Au contraire de cette dernière, qui est la série la plus regardée outre-Atlantique chez les 18-48 ans, Dietland n’a fait que de faibles scores (200 000 spectateurs) dans cette même catégorie. Elle a dépassé le million de téléspectateurs lors de la diffusion de son premier épisode, mais, au terme des dix qui constituent sa saison 1, en a perdu près de la moitié. Cet insuccès, en dépit de la présence de Julianna Margulies, qui faisait son retour depuis la fin de The Good Wife (2009-2016) – mais sûrement aussi, murmure-t-on, en raison du montant de son cachet – ont contraint la chaîne AMC à ne pas renouveler Dietland pour une deuxième saison. De sorte que cette « dramédie », inégale mais inventive et subtile dans le fond et la forme, s’achève de façon bancale, sans avoir pu mener à son terme le développement de ses intrications et le devenir de son héroïne, la formidable Joy Nash.

DIETLAND Official Featurette "A Look at the Series" (HD) AMC Comedy Series
Durée : 04:24

Dietland, série créée par Marti Noxon. Avec Joy Nash, Julianna Margulies, Tamara Tunie, Adam Rothenberg (EU, 2019, 10 x 45 min). Disponible sur Amazon Prime Video.