A Paris, au mk2 VR, en décembre 2016. / Benoit Tessier / REUTERS

Si toute génération apporte ses ruptures, c’est dans son rapport au ­travail que se distingue la génération Y (née entre 1980 et 1995). Née à l’ère du numérique et des réseaux sociaux, elle manifeste le besoin de se tester sur tout et le reste avant de comprendre ce qui la porte.

Comme Juliette G., 27 ans, diplômée de Neoma Business School, qui s’est formée seule au marketing digital dans plusieurs start-up, avant d’intégrer, il y a quatre ans, une jeune pousse du secteur énergétique. « Rien n’y est cloisonné, j’ai pu tester plein de fonctions, comprendre ce qui m’attirait vraiment sans être limitée par des structures préexistantes », dit-elle. Promue chef de produit, puis responsable marketing, elle vient d’être nommée product owner. « Aujourd’hui, je suis à la frontière des services et de la technique. Je dois comprendre les implications techniques de chaque projet, ce qui me donne déjà une vision complète de l’entreprise. » De l’agilité dans les réseaux ­sociaux, les « Y » ont aussi conservé le goût du travail en groupe, cette tribu avec laquelle ils échangent constamment. « J’ai toute la liberté pour prendre l’information où elle se trouve, et ne suis pas limitée à mon supérieur hiérarchique, poursuit Juliette. On soumet toujours aux autres nos idées. »

« Une vision éthique »

Moins à la recherche d’un CDI que d’un poste stimulant, eux n’acceptent pas de s’ennuyer. En témoigne Arthur M., 24 ans, qui, après quatre ans de droit public, a intégré l’EM Lyon. En stage au service juridique d’un grand groupe industriel depuis cinq mois, il déchante :

« Je pensais entrer dans un groupe industriel technologique et dynamique, je découvre un monde où les salariés, certes bien payés, étouffent sous les process. Ces grands groupes, ce n’est pas pour moi. On nous a formés à nous projeter à cinq ou dix ans. Mais c’est aujourd’hui que je ne veux pas m’ennuyer. »

Aymeric A., 27 ans, diplômé d’HEC il y a quatre ans, ne dit pas autre chose, lui qui a préféré aux carrières balisées dans la finance ou le marketing une succession de stages et de CDD dans des start-up musicales, pour se construire une compétence numérique. « Je n’avais pas de compétences suffisantes dans le numérique pour décrocher un job intéressant dans un grand groupe », dit-il. Mais quand, expérience acquise, on lui propose un poste de développeur en CDI, il préfère rester libre, et monter sa microentreprise pour choisir ses challenges. « Ce statut, je l’ai choisi, dit Aymeric. Je ne veux pas de boulot répétitif mais des projets stimulants, et quand j’ai fait le tour de la question, je préfère passer à autre chose. »

Ce qu’expriment Arthur et Aymeric est un sentiment très partagé chez ceux que l’on appelle aussi les millennials : ce qu’ils veulent, c’est exercer leurs savoir-faire, et en acquérir de nouveaux. La sous-utilisation de leurs ­compétences est un leitmotiv que l’on ­retrouve dans nombre de critiques postées sur Glassdoor, le site de notation des employeurs. Pauline B., 27 ans, normalienne en géographie et diplômée de Sciences Po, a voulu tenter le grand monde industriel. Elle a passé un an à ­effectuer des ­études stratégiques pour un grand groupe de BTP français. « On m’avait vendu un projet sur trois ans, mais très vite la mission m’a ennuyée, et je me ­sentais sous-utilisée, dit-elle. Ce qui m’intéressait c’était de travailler sur la ville de ­demain, avec une vision éthique, tournée vers l’utilisateur final. Pour cela, il fallait rejoindre une start-up, car ces idées commençaient tout juste à émerger. Je l’ai trouvée en regardant les acteurs qui avaient gagné l’appel à projet ­innovant Réinventer Paris. »

« Réinventer les ­règles du jeu »

Un an après son arrivée, elle quitte son CDI pour rejoindre une jeune entreprise qui lance des programmes immobiliers conçus en fonction des desiderata des futurs habitants. Immédiatement propulsée responsable de programme immobilier, chargée du respect du planning et du budget, elle doit aussi faire la promotion de ce concept innovant auprès des promoteurs. « C’est passionnant d’arriver dans un secteur dont on veut réinventer les ­règles du jeu, de tester un mode opératoire que l’on adapte au fur et à mesure de ce que l’on ­observe sur le terrain. La clé de la start-up, c’est que l’on est forcément polyvalent et plus écouté que dans une entreprise classique où, le métier étant maîtrisé depuis toujours, tout vient du sommet. »

Sans compter qu’elle entend travailler en cohérence avec ses valeurs, comme Aymeric, à qui il fut aussi proposé un poste d’optimisation des publicités sur Google ­AdWords : « Cela aurait pu être techniquement intéressant, et j’aurais eu un bon salaire, mais cela n’avait pas de sens pour moi. »

« Les grands groupes construits sur un empilement de strates hiérarchiques et des silos hermétiques ont du souci à se faire », annonçait Sophie Guieysse (Le Monde du 28 septembre 2016), DRH de Canal+ pendant dix ans. « J’ai trop vu mes parents devoir composer sans cesse avec des supérieurs qui étaient là par ­hasard », confirme Aymeric.

Avis aux DRH ! Il y a cinq ans, la société d’audit Mazars, dont la moitié des effectifs sont des millennials, envoie un questionnaire à ses salariés, pour lequel elle reçoit 3 500 réponses. Elle décide alors de changer son organisation, de faire partager les bureaux jusqu’à la direction pour favoriser la communication horizontale : « Le problème n’est plus de transmettre mais de permettre, en laissant des espaces de jeu pour que les jeunes créent leur code, et puissent travailler quand ils le souhaitent, explique Laurent Choain, DRH de Mazars. Plus que l’équilibre entre la vie personnelle et la vie privée, ils veulent du fun et continuer à ­apprendre. Construire une politique de ressources ­humaines autour de l’éducation est une ­réponse à la demande des “Y”. »

La leçon n’est peut-être pas totalement passée, si l’on en croit certains commentaires d’anciens employés de Mazars sur le site d’évaluation des entreprises Glassdoor, où la société est tout de même très bien notée : « Préparez votre apprentissage des photocopieuses, ce sera plus utile que les normes comptables d’IFRS », dit l’un d’eux. Autre trait distinctif de la génération : un humour marqué par le recul vis-à-vis des institutions. Et un sens aigu de la dérision.

Participez à « O21 / S’orienter au 21e siècle »

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions lors du choix des études supérieures, Le Monde organise la seconde saison d’« O21 / S’orienter au 21e siècle », avec cinq dates : après Nancy (1er- 2 décembre) et Lille (19 - 20 janvier), rendez-vous à Nantes (vendredi 16 et samedi 17 février 2018, à la Cité des congrès), avant Bordeaux ( vendredi 2 et samedi 3 mars 2018, au Rocher de Palmer à Cenon) et Paris (samedi 17 et dimanche 18 mars 2018, à la Cité des sciences et de l’industrie).

Dans chaque ville, les conférences permettent au public de bénéficier des analyses et des conseils, en vidéo, d’acteurs et d’experts, et d’écouter et d’échanger avec des acteurs locaux innovants : responsables d’établissements d’universités et de grandes écoles, chefs d’entreprises et de start-up, jeunes diplômés, etc. Des ateliers pratiques sont aussi organisés.

Il reste des places pour participer à O21 Nantes ! Et les inscriptions sont ouvertes pour O21 Bordeaux (Cenon) et les présinscriptions possibles pour O21 Paris.

En images : les temps forts d’O21, nos conférences pour s’orienter au 21e siècle, à Nancy

Pour inscrire un groupe de participants, merci d’envoyer un e-mail à education-O21@lemonde.fr. L’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les lycées peuvent organiser la venue de leurs élèves durant le temps scolaire.