Canal+, mercredi 3 avril à 22 h 40, documentaire

C’est une séance de rattrapage originale et très réussie que Canal+ propose à ceux d’entre nous qui n’ont pas eu la chance de pouvoir visiter la grande exposition sur le peintre américain Jean-Michel Basquiat, organisée à la Fondation Louis Vuitton (Paris 16e), et qui a fermé ses portes en début d’année. Optant pour une mise en scène épurée, le réalisateur Adrien Boyer suit un jeune homme figurant le peintre – silhouette juvénile, veste noire, pantalon feu de plancher, courtes dreadlocks –, déambulant à travers les salles, couloirs, escalators et bassins du merveilleux bâtiment dessiné par Frank Gehry.

Ce fantôme, visiteur solitaire de sa propre exposition, sert d’appui à un très beau commentaire, écrit par Pierre Ducrozet, auteur notamment d’Eroica (titre d’un tableau de Basquiat), et dit par le rappeur Disiz. En vingt-six minutes, on verra le graffeur signant « SAMO », enfant de Brooklyn, devenir un peintre avant-gardiste, encensé de son vivant (on l’a oublié), puis coqueluche du marché de l’art, au début des années 2000.

Peintre chaman

La musique qui accompagne cette visite, composée par Raphaël Treiner, fait l’objet d’un soin particulier et magnifie un peu plus, si besoin était, les toiles présentées. Basquiat, peintre chaman, « voit tout, entend tout », et peint des tableaux en forme d’arborescences, dans lesquels ce court film propose de plonger. Grand coloriste, adepte d’un trait enfantin et direct, Basquiat a choisi : « Il sera du côté des fous, des enfants, de l’art brut. »

Sur un air de hip-hop, de jazz ou de classique, le texte de Pierre Ducrozet évoque la jeunesse new-yorkaise et la gloire fulgurante de cet enfant des rues, au tout début des années 1980. Des images du visage poupin de Basquiat, à visée plus illustrative que documentaire, se glissent entre les plans sur ses tableaux. On le voit en pleine création, les pieds sur la toile, appliquant de larges quantités de peinture d’un geste déterminé, implacable. « Il mixe, sample, scratche ses toiles. C’est un DJ. »

Usé par le succès, la pression qui l’accompagne et la drogue, « tout seul au sommet du château », Basquiat peint son testament : Riding with Death, qui le montre chevauchant un squelette désarticulé. « New York le tue ». A sa mort, à l’âge de 27 ans, Basquiat laisse une œuvre d’une homogénéité absolue, d’une cohérence parfaite. « En perdant, Basquiat a gagné : on voit ses toiles pour ce qu’elles sont, majeures. »

Basquiat, visite privée, d’Adrien Boyer (Fr., 2018, 26 min). www.mycanal.fr