« On n’est pas de la viande ! » : la rébellion du handball contre les cadences « infernales »
« On n’est pas de la viande ! » : la rébellion du handball contre les cadences « infernales »
Par Clément Martel
Les meilleurs joueurs et joueuses de la planète ont lancé une campagne coordonnée, mercredi, contre le calendrier international surchargé.
Coéquipiers en club, adversaires au niveau international, Mikkel Hansen et Nikola Karabatic font partie des joueurs ayant lancé l’appel « Don’t play the players ». / ANNEGRET HILSE / REUTERS
« Ne jouez pas avec la santé des joueurs ! » Les images sont fortes. Dans une vidéo diffusée mercredi 3 avril, le Français Nikola Karabatic, le Danois Mikkel Hansen, meilleur joueur du monde en 2018, la Roumaine Cristina Neagu, meilleure joueuse du monde en 2018, et la plupart des têtes d’affiche de la planète handball exhortent les autorités de leur sport à prendre en compte leur santé.
Après avoir largement évoqué la question, en janvier, au cours du Mondial masculin, à l’insensé programme (10 matches en 17 jours pour les Bleus) et aux incessants déplacements lors des jours de repos, handballeurs et handballeuses ont décidé, jeudi 3 avril, de taper du poing sur la table.
La vidéo, associée à une campagne #DontPlayThePlayers, a été diffusée à l’initiative du syndicat européen des joueurs de handball (EPHU) et de l’association des joueurs professionnels de handball (AJPH). Des courriers ont également été adressés aux présidents de la Fédération internationale (IHF) et de la Fédération européenne (EHF).
Les revendications sont claires : disposer de plus de temps de repos entre les matchs, obtenir une participation des joueurs aux décisions les concernant et une réunion d’urgence avec les présidents des instances internationales autour des problématiques de calendrier.
Listen to the players and unite in the battle against physical erosion. #DontPlayThePlayers @ihf_info @EHF https://t.co/Rxdy6q2W4M
— EHPU_handball (@EHPU-handball)
Le Mondial 2019 comme déclencheur
Depuis quelque temps déjà, piques par piques, joueurs et entraîneurs s’en prenaient aux instances internationales, accusées de ne pas se soucier de leur santé. Le Mondial 2019 a provoqué l’éruption.
« Depuis plusieurs années, le mécontentement contre le calendrier et l’évolution que prenait notre sport grandissait. Mais le Mondial a cristallisé ces problèmes », témoigne le gardien de l’équipe de France, Vincent Gérard, qui est l’un des joueurs à l’origine de cette démarche.
« Il est hors de question de revivre une compétition où s’enchaînent des matchs d’un tel enjeu sans un seul jour de repos entre », revendique le président de l’AJPH, Bastien Lamon, dans un communiqué.
Fatigués de s’être plaints en vain, les joueurs ont « passé la vitesse supérieure », exprime Vincent Gérard : « On s’est réunis avec les principaux joueurs dès la fin du Mondial et on a discuté. On tente aujourd’hui de mener une action coup de poing à travers l’Europe, on verra ce que ça donne. »
Un calendrier surchargé
Le même Gérard, fin janvier, tonnait « On n’est pas de la viande » au sortir de la petite finale remportée par les Bleus. Car le Mondial 2019 – disputé en Allemagne et au Danemark – a viré à l’hécatombe.
Genou, mollet, aine, épaule, tendons, cuisse… Du gardien français Cyril Dumoulin, à la star islandaise Aron Palmarsson, en passant par l’Allemand Martin Strobel et l’Espagnol Daniel Dujshebaev, toutes les équipes, ou presque, ont déploré la perte d’un joueur au cours de la compétition. Un bilan bien plus lourd que lors des précédentes éditions.
« C’est une hérésie ! Clairement, la priorité n’est pas à la santé des athlètes », s’était insurgé, dans Le Monde, Pierre Sébastien, le médecin de l’équipe de France en début de compétition, anticipant l’avalanche de blessures musculaires. « Les joueurs ne sont pas des citrons », s’était également élevé le directeur technique national (DTN) du handball français, Philippe Bana.
Femmes comme hommes sont concernés par cette question, comme l’a illustré la blessure de Cristina Neagu, meilleure joueuse du monde en 2018, lors de l’Euro en France.
Avec une compétition internationale chaque année (Euro ou Mondial), à laquelle s’ajoutent des rencontres de Golden League (une compétition amicale internationale) un an sur deux, un tournoi qualificatif pour les Jeux olympiques tous les quatre ans, suivi des JO, le calendrier international est surchargé. Sans oublier le « quotidien » des athlètes, fait de journées de championnat et de Ligue des champions.
« Peut-être songer à une action d’encore plus grande envergure »
Décidés à ne plus subir, les acteurs du handball ont pris leur destin en main. Reste à voir si leur appel sera entendu. A l’issue du Mondial, la Fédération internationale, par la voix de son président, Hassan Moustafa, avait dit vouloir « augmenter le nombre de jours de repos pendant le Mondial car les joueurs sont nos atouts ».
« On a essayé de passer par le dialogue simple, ça n’a pas marché. Si ça ne marche toujours pas, il faudra peut-être songer à mener une action d’encore plus grande envergure », prévient Vincent Gérard.
Souvent évoquée, la possibilité d’une grève est « clairement dans les esprits » des handballeurs mondiaux tant le ras le bol est important. « Mais on espère sincèrement qu’il n’y aura pas besoin d’aller jusque-là », nuance le portier montpelliérain.