Des milliers de manifestants ont défilé samedi dans la capitale soudanaise, Khartoum. / STRINGER / AFP

Des milliers de Soudanais ont défilé samedi 6 avril pour réclamer la démission du président Omar Al-Bachir, au pouvoir depuis 1989. Certains sont même parvenus à atteindre le quartier général de l’armée à Khartoum, une première en quatre mois de contestation antigouvernementale.

Répondant à un appel de l’Alliance pour la liberté et le changement, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue de la capitale en chantant « une armée, un peuple ». Lors de précédents rassemblements, les protestataires ont tenté à plusieurs reprises de marcher vers des lieux symboliques du pouvoir, comme le palais présidentiel, mais en ont souvent été empêchés par les gaz lacrymogènes tirés par les forces de sécurité.

Pour la première fois samedi, les manifestants ont atteint l’entrée des bâtiments qui abritent le siège de l’armée et le ministère de la défense. La police anti-émeute soudanaise a ensuite tiré des gaz lacrymogènes contre les protestataires. Certains des contestataires ont lancé des pierres en direction de la police tandis que des dizaines de véhicules des forces anti-émeutes avançaient pour les disperser.

L’état d’urgence instauré depuis le 22 février

Peu après avoir atteint l’entrée des bâtiments, situés à proximité de la résidence de M. Al-Bachir, les organisateurs ont appelé les manifestants à tenir position. « En ce moment historique, nous vous demandons de ne pas quitter le quartier général de l’armée et de tenir un sit-in dans les rues », ont-ils fait savoir dans un communiqué.

« Nous apprécions la retenue de l’armée envers les manifestants et nous espérons qu’elle prendra position pour le peuple. »

Les organisateurs du mouvement, une alliance de partis d’opposition qui ont rejoint l’Association des professionnels soudanais, ont affirmé cette semaine que les rassemblements de ce samedi sont destinés à demander à l’armée de « choisir entre son peuple et le dictateur ».

Déclenchées le 19 décembre 2018 par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, les manifestations se sont rapidement transformées à travers le pays en mouvement de contestation contre M. Béchir. Celui-ci a refusé de démissionner. Après avoir tenté de réprimer la contestation par la force, il a instauré l’état d’urgence dans tout le pays le 22 février.

De nombreuses arrestations

Depuis, les manifestations sont restées principalement cantonnées dans la capitale et la ville voisine, Omdourman, mais samedi, les organisateurs du mouvement de contestation ont appelé à des rassemblements dans l’ensemble du pays. La date choisie est symbolique puisqu’elle marque l’anniversaire de la révolte du 6 avril 1985, qui avait permis de renverser le régime du président de l’époque, Jaafar al-Nimeiri.

Depuis l’instauration de l’état d’urgence, plusieurs manifestants ont été arrêtés pour avoir participé à des rassemblements non autorisés et jugés par des tribunaux d’exception. Depuis décembre, le puissant service de renseignement a ainsi arrêté des centaines de manifestants, leaders de l’opposition, militants et journalistes, selon des ONG.