La sécurité routière s’invite dans les flottes d’entreprise
La sécurité routière s’invite dans les flottes d’entreprise
Par Jean-Pierre Lagarde
Autoévaluation, chartes de bonne conduite et formations sont autant de modes de prévention adoptés par les entreprises pour lutter contre le risque d’accident.
« Plus de la moitié des accidents du travail sont des accidents de la route, ils représentent 500 morts chaque année et près de 6 millions de journées de travail perdues », martèle sans relâche Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière.
L’an passé, selon les chiffres diffusés par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, ce sont ainsi 3 259 personnes qui ont perdu la vie sur les routes en France ; soit 189 décès de moins qu’en 2017 (– 5,5 %). Il s’agit là du plus faible nombre de morts jamais enregistré sur les routes de l’Hexagone depuis 2013. Parallèlement, le nombre d’accidents corporels et celui des blessés ont également diminué respectivement de 4,8 % et 24,8 %. Derrière ces chiffres, d’autres ont été rappelés par Jean Todt lors d’un colloque sur la sécurité routière au travail organisé en décembre dernier. Pour le président de la Fédération internationale de l’automobile et envoyé spécial pour la sécurité routière du secrétaire général des Nations unies, « le coût généré par les accidents en France s’élève à près de 50 milliards d’euros, soit 2,2 % du PIB ».
Si la sécurité routière a un coût pour la collectivité, elle en a un également pour les entreprises. Leurs dirigeants peuvent être tenus pénalement responsables en cas d’infractions ou d’accidents routiers. Aussi, pour accompagner les dirigeants de TPE et de PME souhaitant agir en faveur de la sécurité de leurs collaborateurs au volant, Axa Prévention a développé des solutions d’autodiagnostic gratuit permettant de mesurer le risque routier dans un parc et de corriger les pratiques au volant. Mais pour Axa Prévention, les Français continuent malgré tout de prendre systématiquement plus de risques lorsqu’ils roulent dans le cadre de leur travail. En cause : la fatigue, le stress, la pression des objectifs à atteindre…
Ni téléphone ni alcool au volant
Depuis deux ans, pourtant, la législation impose aux chefs d’entreprise de fixer à leurs collaborateurs des objectifs et des délais compatibles avec le respect du code de la route. La loi travail oblige aussi les entreprises de plus de 50 salariés à garantir le droit à la déconnexion afin de limiter aux cas d’urgence les conversations téléphoniques au volant. Pourtant, note Axa, les salariés au volant demeurent « ultradépendants » de leur téléphone : « Huit professionnels sur dix l’utilisent, 52 % téléphonent, 32 % traitent des SMS… »
Le drame, explique Eric Lemaire, président d’Axa Prévention, « c’est que le smartphone a rejoint la vitesse comme première cause d’accidents ». Au point que de nombreuses entreprises interdisent l’usage du téléphone sous toutes ses formes. De grands groupes tels qu’Engie, Danone, SNCF, Johnson & Johnson ou Unilever ont pris position contre l’usage du smartphone au volant pour leurs collaborateurs. Plus de 1 000 entreprises ont désormais signé l’Appel national des employeurs pour la sécurité routière et se sont engagées à limiter – et souvent à interdire – les conversations téléphoniques au volant.
Ainsi, Xavier Perret, directeur « global care » chez Engie, explique que « neuf règles de conduite ont été mises en place dans la flotte, au premier rang desquelles zéro téléphone et zéro alcool. Cela concerne 72 000 véhicules car ces règles de sécurité routière valent pour nos filiales et sont inscrites dans le cahier des charges à l’adresse de nos sous-traitants. Depuis 2012, le nombre d’accidents a été divisé par deux, et désormais chaque appel téléphonique chez Engie débute immédiatement par la question “Es-tu au volant ?” ».
Chez Safran, précise Loïc Sahut, responsable performance et référentiel santé sécurité environnement, « une charte du risque routier a été mise en place depuis deux ans pour faire face à un nombre important d’accidents mortels, principalement sur les trajets domicile-travail ». Avec 50 000 véhicules sur la route, Safran a ainsi mis en place 30 standards de prévention, notamment pour la sécurité routière, comprenant des volets prévention, formation, sensibilisation et communication. Chaque site du groupe s’autoévalue selon le standard défini pour le risque routier. « Pour le téléphone au volant, du salarié au patron, l’interdiction est totale chez Safran. »
Des campagnes de dépistage de stupéfiants
Chaque entreprise a ainsi ses propres modes de prévention en fonction de son activité. La SNCF va par exemple mettre en place la géolocalisation de ses 20 000 véhicules. Objectif, explique Emmanuel Laurent, directeur délégué santé et sécurité au travail de SNCF Réseaux, « enregistrer durant les tournées des véhicules les endroits les plus dangereux, là où se déclenche par exemple l’ESP [Electronic Stability Program, ou correcteur électronique de trajectoire en français], afin de détecter les routes ou carrefours où le danger routier est régulièrement présent ».
La prévention routière intervient aussi là où on ne l’attend pas. Ainsi, les accidents de la route sont la seconde cause de mortalité dans les armées, notamment lorsque le personnel revient de mission et a échappé à la mort au combat. Le sentiment d’être tout-puissant s’accommode alors très mal des règles de conduite au volant.
Enfin, dernière tendance détectée par plusieurs entreprises, qui s’en alertent, la conduite sous l’emprise de stupéfiants. Certains employeurs commencent en effet à mener des campagnes de dépistage lorsqu’un doute existe sur le comportement d’un salarié. Acceptée dès lors qu’elle est expliquée et inscrite dans le règlement intérieur, cette démarche demeure encore taboue et peu développée.