GPA : la CEDH ne préconise pas la retranscription des actes de naissance pour faire reconnaître la filiation
GPA : la CEDH ne préconise pas la retranscription des actes de naissance pour faire reconnaître la filiation
Par Solène Cordier
La Cour européenne des droits de l’homme, consultée par la Cour de cassation, a laissé aux Etats européens la décision de faire reconnaître la filiation par une autre voie, comme l’adoption.
Consultée par la Cour de cassation, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a estimé mercredi 10 avril que la France n’était pas obligée de retranscrire les actes d’état civil d’enfants nés par gestation pour autrui (GPA) à l’étranger pour faire établir la filiation. Si les Etats européens ont l’obligation de faire reconnaître un lien de filiation, dans l’intérêt de l’enfant, ils peuvent choisir le moyen de le faire, y compris par l’adoption, a estimé la juridiction européenne.
Sylvie et Dominique Mennesson demandent depuis dix-huit ans la transcription en droit français des actes de naissance de leurs jumelles nées en octobre 2000 par GPA aux Etats-Unis. Selon la loi américaine, Sylvie Mennesson est la « mère légale » des jumelles (issues des spermatozoïdes de leur père et des ovocytes d’une amie du couple), et Dominique Mennesson en est le « père génétique ». La GPA étant interdite en France, une dizaine de recours n’ont pas permis jusqu’à présent au couple de faire reconnaître cette filiation.
Cour de cassation désavouée une première fois
La Cour de cassation qui a été désavouée une première fois dans ce dossier par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), avait décidé le 16 octobre 2018 de demander l’avis des juges de Strasbourg avant de se prononcer une nouvelle fois. Elle avait adressé sa question préjudicielle en deux points : « En refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui, en ce qu’il désigne comme étant sa “mère légale” la “mère d’intention”, alors que la transcription de l’acte a été admise en tant qu’il désigne le “père d’intention”, père biologique de l’enfant, un Etat-partie excède-t-il la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? A cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la “mère d’intention” ? »
Dans son avis consultatif rendu mercredi, la CEDH lui répond que « le droit au respect de la vie privée de l’enfant (…) requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la “mère légale” », mais il « ne requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle l’adoption de l’enfant par la mère d’intention ».
En 2014, une première étape avait déjà été franchie. La CEDH, saisie par les époux Mennessson après un refus de la Cour de cassation de transcrire un lien de filiation entre leurs filles et eux, avait estimé que cette décision portait atteinte à l’identité des deux enfants. Cet arrêt avait ouvert la voie à la reconnaissance, devant les juridictions françaises, de la filiation paternelle, et la possibilité pour le deuxième parent de passer par l’adoption pour établir un lien de filiation.