« One Day Since Yesterday » : le soleil noir d’un film lumineux
« One Day Since Yesterday » : le soleil noir d’un film lumineux
Par Renaud Machart
Retour sur « Et tout le monde riait » (1981), de Peter Bogdanovich, marqué par l’assassinat de l’actrice Dorothy Stratten.
Si l’on en croit son titre complet, One Day Since Yesterday : Peter Bogdanovich & the Lost American Film, le documentaire de Bill Teck s’intéresserait à un film « perdu » du réalisateur nord-américain. S’il est vrai que They All Laughed (« Et tout le monde riait », 1981) n’est pas couramment diffusé (OCS ne l’a pas ou n’a pas pu le mettre à son programme), ses bobines n’ont pas été égarées ou détruites. On trouve d’ailleurs le film en édition DVD et même sur YouTube.
Et beaucoup de cinéphiles l’ont vu, à commencer par les réalisateurs Quentin Tarantino et Wes Anderson, qui en font grand cas et le dissèquent au cours de One Day Since Yesterday – dont le titre cite la formule que griffonnait l’actrice Dorothy Stratten, 20 ans, sur des billets destinés à Peter Bogdanovich, qui partageait sa vie depuis peu.
Connue pour avoir été, en 1980, la « playmate de l’année » du magazine Playboy, Dorothy Stratten avait tourné Galaxina (1980), film de science-fiction de William Sachs. Avec They All Laughed, elle faisait ses « vrais » débuts dans un rôle sérieux et au sein d’une distribution de prestige – avec en particulier Ben Gazzara et Audrey Hepburn dans l’un de ses derniers rôles.
Nombreux témoignages
Alors que Dorothy Stratten était en plein divorce d’avec son époux et manager, celui-ci la viola, avant de l’assassiner et de mettre fin à ses jours, le 14 août 1980. Cette lumière noire et funeste colora le montage et la postproduction de They All Laughed, que décrit longuement le documentaire – sans évoquer le film Star 80 (1983), que tourna Bob Fosse à partir de ce tragique fait divers.
Bourré de témoignages intéressants à propos de ce film maudit (dont Bogdanovich racheta les droits de diffusion, ce qui le ruina), One Day Since Yesterday a tendance à multiplier les outrances laudatives envers une réalisation touchante qui, ainsi que le relève Quentin Tarantino, est l’une des rares de l’époque à ne pas décrire New York comme un lieu maudit, sale et dangereux.
Mais cela ne fait pas de They All Laughed la plus belle des « lettres d’amour à New York », comme le suggère le réalisateur de Pulp Fiction (1994), ce statut étant probablement occupé par Manhattan (1979), de Woody Allen.
One Day Since Yesterday, documentaire de Bill Teck. Avec Peter Bogdanovich, Ben Gazzara, Jeff Bridges, Wes Anderson, Quentin Tarantino, Cybill Shepherd, Louise Stratten, Colleen Camp (EU., 2014, 97 min.) www.ocs.fr/programme/onedaysincew0143013