« Il faut parler » : le courrier du patron de la police pour lever le tabou du suicide chez les forces de l’ordre
« Il faut parler » : le courrier du patron de la police pour lever le tabou du suicide chez les forces de l’ordre
Le Monde.fr avec AFP
Eric Morvan encourage à une libération de la parole dans une lettre envoyée aux 150 000 policiers français, dont vingt-huit membres se sont donné la mort en 2019.
Le directeur général de la police nationale (DGPN), Eric Morvan, lors d’un discours du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, le 10 janvier. / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
La haute hiérarchie policière invite de manière inédite, dans une lettre envoyée à tous les policiers, vendredi 19 avril, la profession au dialogue et à la libération de la parole face à la vague de suicides dans l’institution, un sujet tabou chez les forces de l’ordre.
La missive d’Eric Morvan, directeur général de la police nationale (DGPN), intervient alors que vingt-huit suicides ont d’ores et déjà été comptabilisés au sein de la police nationale depuis le début de l’année. « On est partis sur des bases terribles pour 2019 », indiquait vendredi une source policière au Monde. Sur l’ensemble de l’année 2018, trente-cinq policiers avaient mis fin à leurs jours.
« Un devoir collectif »
Dans sa lettre aux 150 000 fonctionnaires de police français, dont l’Agence France-Presse a eu copie, Eric Morvan enjoint à parler du suicide, une démarche qui ne va pas nécessairement de soi dans l’institution.
« Plusieurs de nos collègues ont mis fin à leurs jours. Certains penseront peut-être que ce dramatique enchaînement relève d’un facteur mimétique et que, plus on parle du suicide, plus on prend le risque d’en susciter, dans un contexte rendu encore plus difficile par la charge opérationnelle », prévient Eric Morvan.
« Il faut en parler. Sans crainte d’être jugé. Il faut se confier, se persuader qu’avouer un mal-être n’est jamais une faiblesse », demande à l’inverse le numéro un de la police. « La responsabilité humaine que l’on doit reconnaître à celui ou celle qui prend cette terrible décision ne nous exonère pas de la nôtre », ajoute le DGPN, qui évoque « un devoir collectif », y compris et surtout des chefs, dont le management est souvent pointé du doigt par les organisations syndicales de gardiens de la paix.
Après le suicide de deux nouveaux fonctionnaires, jeudi, une intersyndicale avait appelé à des rassemblements et minutes de silence devant tous les commissariats de France ce vendredi, à la mi-journée.