Au Printemps de Bourges, Jean-Louis Murat dans l’intimité du Théâtre Jacques-Coeur
Au Printemps de Bourges, Jean-Louis Murat dans l’intimité du Théâtre Jacques-Coeur
Par Sylvain Siclier (Bourges, envoyé spécial)
La soirée de vendredi a aussi accueilli la flûtiste et chanteuse Esinam Dogbatse et le groupe Mermonte.
MUSIQUE
A sa création, en avril 1977, Le Printemps de Bourges avait été organisé à la Maison de la culture, sous un chapiteau proche et au Théâtre Jacques-Cœur, niché à quelques centaines de mètres. A mesure que le festival prenait en importance, d’autres lieux ont accueilli les artistes (Palais d’Auron, Auditorium, Halle au blé, le 22…). Le chapiteau, avec une plus grande capacité d’accueil, s’est déplacé vers le quai d’Auron. Et le Théâtre Jacques-Cœur est resté un lieu prisé des festivaliers. Théâtre à l’italienne, avec ses balcons, dorures, sa petite jauge de 300 spectateurs, c’est là que durant le festival, l’on peut faire dans un confort d’écoute idéal des découvertes ou voir des artistes bien établis dans l’intimité.
Ainsi, la soirée du vendredi 19 avril aura vu se succéder la flûtiste et chanteuse ghanéo-belge Esinam Dogbatse, dont un premier mini-album a été publié en septembre 2018 par Sdban Records, le groupe Mermonte, fondé fin 2011, dont le troisième album, Mouvement (Room Records), est sorti en octobre 2018 et Jean-Louis Murat, dont les premiers temps en musique remontent à la fin des années 1970 – il a plus de trente albums à son actif. Le dernier en date, Innamorato (Scarlett-Le Label/PIAS), recueil d’extraits d’un concert lors de sa récente tournée avec quatre inédits, est commercialisé ce vendredi.
Esinam Dogbatse, du jazz à l’Afrique
Seule en scène, Esinam Dogbatse crée, en direct, des séquences rythmiques avec un séquenceur, des mélodies sur un petit clavier, tire de sa banque de données musicales des sons acoustiques (contrebasse, percussions…), des chœurs, construit par couches chaque thème, support à des improvisations à la flûte, des parties chantées. Belle voix, belle tenue du souffle à la flûte, avec peu d’effets, elle évolue dans un univers qui pourrait venir du jazz, qui va vers l’Afrique, passe par la pop. C’est là qu’elle est la plus convaincante. Lorsque son cheminement la mène vers une électro guère originale, elle perd en capacité à susciter l’imaginaire.
D’une seule en scène, on est passé à huit interprètes, ceux de Mermonte, dont plusieurs sont multi-instrumentistes (vibraphone et guitare, trompette et guitare, violon, claviers et vibraphone). Pour l’album, une vingtaine de musiciennes et musiciens ont été de la partie. Difficile de situer la musique du groupe. Elle a d’évidentes fraîcheurs pop, avec des envols de chants, des clartés mélodiques, s’approche résolument du rock avec quatre guitares à un endroit sur une assise basse et batterie. Et puis d’un coup, des cassures et entrelacs rythmiques, qui pourraient ravir les amateurs de Frank Zappa. L’emploi du vibraphone, du violon, a un côté Gentle Giant, groupe britannique de rock progressif particulièrement créatif au début des années 1970. Ici et là, des traces de rêveries psyché-pop ou des métriques répétitives du groupe allemand Can. Tout cela fait beaucoup, mais jamais trop, cadré par une écriture très cohérente, souvent attentive à rester lisible.
Puis ils furent trois, Jean-Louis Murat, avec le bassiste Fred Jimenez et le batteur Stéphane Reynaud. Ils jouent ensemble depuis des lustres. Jimenez et Reynaud savent que le guitariste et chanteur peut dériver à partir de l’une des chansons, par le chant, par son jeu de guitare en combinaison rythmique/soliste. Et Murat sait qu’il trouvera avec eux des réponses musicales.
Le répertoire du concert est peu ou prou celui du nouvel album. Des versions directes de Ciné Vox, Gazoline, Marguerite de Valois, Kids, chansons du précédent disque Il Francese, avec même pour Je me souviens, Murat dans sa seule voix. Les inédits aussi, Autant faire quelque chose et Ben, qui enfle au rappel. Tempo tranquille souvent, imprégnation du blues, sursaut soudain de notes saturées, le chant qui se fait murmure ici, plus détaillé là… Un concert de Murat ce sont des surprises, de l’imprévu, surtout pas une redite d’un enregistrement en studio ou d’un concert précédent. Un jeu avec l’instant que l’on savoure.
Festival Le Printemps de Bourges, dans une dizaine de salles, jusqu’au dimanche 21 avril. Printemps-bourges.com