« Avengers : Endgame » : la longue marche vers la fin d’une époque
« Avengers : Endgame » : la longue marche vers la fin d’une époque
Par Thomas Sotinel
Le 22e film du Marvel Cinematic Universe, signé par les frères Russo, baigne dans la nostalgie d’un monde qui vient à disparaître avec la mort de quelques personnages centraux.
Extrait de « Avengers : Endgame », d’Anthony et Joe Russo. / AP
Il y a des contrées des réseaux sociaux où le dévoilement d’une péripétie d’Avengers : Endgame, qui sort mercredi 24 avril en France, deux jours plus tard aux Etats-Unis, est aussi répréhensible qu’un blasphème proféré pendant un service religieux. Elles sont vastes et fréquentées par les centaines de millions de Terriens qui ont fait la fortune du studio Marvel et de sa maison mère, Disney, depuis la sortie d’Iron Man en 2008.
Pour les autres, les mécréants qui n’ont jamais fait cas des hommes de fer ou araignée, de la veuve et de la panthère noires, la sortie du 22e film de l’univers cinématographique de Marvel (MCU, pour Marvel Cinematic Universe) ne sera pas l’occasion d’une conversion tardive. Il faudrait, avant de dégager trois bonnes heures de son emploi du temps et d’acheter un ticket, ingurgiter une somme de connaissances que d’aucuns considéreront comme inutiles. Et comme ils n’ont aucune raison de sauter un pas qu’ils se sont toujours refusé de faire, les seuls lecteurs de ce qui suit seront de ceux qui mettent les enjeux d’Avengers : Endgame à la hauteur où Jean plaçait l’irruption des quatre cavaliers. Pas question de leur gâcher le plaisir de la révélation en égrenant telle ou telle anecdote sur l’état de santé d’Iron Man (Robert Downey Jr.) ou la vie familiale d’Ant-man (Paul Rudd).
Cet interdit ne facilite pas le travail, quand il faut rendre compte d’un film dont la seule raison d’être est de boucler un cycle d’histoires qui presque toutes touchent à leur fin. Endgame (qui emprunte son titre, Fin de partie, à Samuel Beckett) prend la forme solennelle d’un très long épilogue qui peigne soigneusement l’écheveau de fils narratifs qui s’était emmêlé de film en film, au gré aussi bien de l’imagination des scénaristes que des événements industriels – après que Sony eut accepté de se rendre aux raisons de Disney, Spider-Man a pu rejoindre les Avengers, à partir de Captain America : Civil War en 2016.
L’énergie dépensée à mener chaque personnage au bout de son chemin manque à ce qui devrait faire la substance d’un film, la nouveauté du scénario, le développement des caractères, l’inventivité de la mise en scène. Rien de tout ça ici, puisqu’il s’agit de communier dans la nostalgie d’un monde qui vient à disparaître avec la mort de quelques personnages centraux et l’avènement d’une nouvelle génération. Les frères Russo, chargés du club de super-héros, se contentent de glaner chez leurs confrères des éléments de style immédiatement reconnaissables : la drôlerie de Thor (Chris Hemsworth, décidément un excellent acteur comique) est empruntée à Taika Waititi, le réalisateur de Thor : Ragnarok, le duo tragique que forment Hawkeye (Jeremy Renner) et Natasha (Scarlett Johansson) vient tout droit de chez Joss Whedon (Avengers : l’ère d’Ultron).
Comme le duo de réalisateurs a disposé de moyens en apparence illimités de la part d’un studio qui est désormais la division d’élite du plus gros conglomérat qu’ait jamais connu l’industrie du divertissement, cette longue promenade nostalgique prend la plupart du temps le rythme effréné des meilleures attractions des parcs à thème. Mais ces planètes méphitiques, ces cités dévastées, cette confrontation finale entre des armées innombrables, on les a toutes vues.
Une fausse fin
Ce qui fait tenir, c’est donc ce dont on ne peut parler, le suspense entretenu sur la survie ou non des personnages principaux. On peut engager des pronostics en fonction de la logique du scénario. Mais celui-ci repose sur la notion de la flexibilité du temps, ce qui ouvre une infinité de possibilités. Mieux vaut se reposer sur les nécessités économiques qui gouvernent l’entreprise Marvel. Kevin Feige, son patron, a annoncé depuis longtemps qu’Avengers : Endgame marquerait la fin de la phase 3 du Marvel Cinematic Universe, entamée avec Civil War. Ce qui ne veut pas dire qu’on en a fini avec l’idée que le monde ne peut être sauvé que par une poignée d’êtres d’exception. Simplement que la composition de l’aréopage va changer, plus divers, plus féminin, sur la trajectoire dessinée par Black Panther et Captain Marvel.
C’est sans doute la promesse de ce renouvellement qui permet de tenir les trois heures d’Endgame. Ça et quelques trouvailles de scénario, dont une fausse fin située si tôt dans le film qu’elle surprend réellement. Enfin, le meilleur gag du film – et ceci est un spoiler – arrive in extremis. Lors de la projection de presse parisienne, dans une vaste salle des Grands Boulevards, personne n’a bougé de son siège quand le générique a commencé, huit minutes avant la fin annoncée. Tous les spectateurs espéraient la traditionnelle séquence qui, une fois énumérés les noms des centaines de techniciens qui ont contribué aux effets spéciaux, dévoile un peu du futur du MCU. Mais une fois passé le titre de la dernière chanson de la bande originale, les lumières se sont rallumées et la salle a éclaté de rire. Vous venez de gagner huit minutes de vie à l’air libre.
Avengers : Endgame - Bande-annonce officielle (VF)
Durée : 02:37
Film américain d’Anthony et Joe Russo. Avec Robert Downey Jr., les Chris d’Hollywood (à l’exception de Chris Pine), Scarlett Johansson, Mark Ruffalo, Jeremy Renner, Karen Gillan, Brie Larson (3 h 01). Sur le Web : www.marvel.com/movies/avengers-endgame et disney.fr/films/avengers-endgame