Soudan : un « accord » encore vague entre militaires et civils
Soudan : un « accord » encore vague entre militaires et civils
Le Monde.fr avec AFP
Une réunion s’est tenue mercredi entre le Conseil militaire qui dirige le pays depuis deux semaines et l’opposition qui réclame le transfert du pouvoir à une autorité civile.
A droite, Omar Al-Digeir, l’un des leaders de la contestation, s’exprime en conférence de presse à Kharthoum le 24 avril avant de prendre part à la réunion avec le Conseil militaire. / OZAN KOSE / AFP
Le Conseil militaire au pouvoir au Soudan a annoncé sans le préciser « un accord sur la plupart des exigences » présentées par les leaders de la contestation lors d’une réunion mercredi 24 avril, qui s’est achevée avec la démission de trois membres de ce Conseil.
« Nous avons un accord avec la plupart des exigences présentées dans un document de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) », a indiqué à la presse le général Shamseddine Kabbashi, porte-parole du Conseil militaire de transition, à l’issue d’une réunion entre les militaires et l’opposition, qui réclame un transfert du pouvoir à une autorité civile. Un des leaders de la contestation présents à la réunion, Ahmed al-Rabia, a ajouté que les deux parties avaient également convenu de former un conseil conjoint, sans développer.
Quelques minutes après, dans un communiqué, le Conseil militaire a annoncé la démission de trois de ses membres, les lieutenants-généraux Omar Zain Al-Abdin, Jalaluddin Al-Sheikh et Al-Tayieb Babikir. A cette réunion participaient les militaires et les leaders de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe les principales formations de la contestation. Elle s’est tenue en soirée au palais présidentiel, selon un vidéaste de l’AFP.
Ce Conseil militaire de transition est au pouvoir au Soudan depuis le renversement par l’armée du président Omar Al-Bachir le 11 avril sous la pression de la rue. Depuis, les relations entre militaires et manifestants ont connu des soubresauts. Les responsables du mouvement de contestation avaient annoncé dimanche la suspension des discussions avec le Conseil militaire, en raison de son refus de transférer le pouvoir immédiatement à une autorité civile.
Dans la journée de mercredi, lors d’une conférence de presse, un haut responsable de l’opposition, Omar Al-Digeir, avait déclaré que les leaders de la contestation étaient prêts à parler directement avec le chef du Conseil militaire, le général Abdel Fattah Al-Burhane. La réunion s’est déroulée ensuite.
La menace d’une grève générale
Depuis le 6 avril, des manifestants sont rassemblés jour et nuit devant le quartier général de l’armée à Khartoum. Après avoir demandé dans un premier temps le départ du président, ils réclament désormais que les militaires abandonnent le pouvoir.
Des manifestants dans les rues de Khartoum le 24 avril. / UMIT BEKTAS / REUTERS
Mercredi, des centaines de personnes venues de la ville de Madani (centre) ont rejoint les manifestants dans la capitale en scandant « nous sommes venus de Madani et nous réclamons le pouvoir civil », selon des témoins.
Interrogé avant la réunion lors d’une conférence de presse sur les actions prévues en cas de refus du Conseil militaire d’accéder aux revendications des manifestants, l’un des leaders de la contestation, Siddiq Farouk, a menacé d’une « escalade ». « Nous nous préparons à une grève générale » à travers le pays, a-t-il affirmé.
Ahmed Al-Rabia, figure de l’Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation, a lui appelé à une « marche d’un million de personnes pour jeudi ». Ayman Ali Mohamed, un manifestant, a indiqué mercredi qu’il prendrait part à cette marche. « Nous avons peur que le Conseil militaire nous vole la révolution, donc nous devons participer (aux manifestations) jusqu’à ce que le transfert à un pouvoir civil soit achevé », a-t-il dit.
Pour la première fois, des juges devraient rejoindre les manifestants. Ils se mobiliseront « pour soutenir le changement et pour (réclamer) un système judiciaire indépendant », selon un communiqué diffusé mercredi par une association professionnelle de juges. Dimanche, le général Burhane avait promis que l’armée répondrait dans la semaine aux demandes des manifestants.
La contestation au Soudan, déclenchée le 19 décembre après la décision du gouvernement Béchir de tripler le prix du pain, s’est rapidement transformée en contestation inédite du président aujourd’hui déchu et emprisonné, et plus largement du système en place.
Soutien de Washington
Le mouvement a reçu le soutien de Washington qui a dit appuyer « la demande légitime » des Soudanais d’un gouvernement dirigé par des civils.
« Nous sommes ici pour encourager les parties à œuvrer ensemble afin de faire avancer ce projet au plus tôt », a déclaré mardi à l’AFP Makila James, responsable du département d’Etat américain chargée de l’Afrique de l’Est en visite à Khartoum.
« Le peuple du Soudan a formulé clairement sa demande », a-t-elle souligné. « Nous voulons le soutenir dans cela, c’est la meilleure voie pour aller vers une société respectueuse des droits humains ».
Un responsable américain avait indiqué plus tôt en avril que les Etats-Unis étaient prêts à retirer le Soudan de leur liste des pays accusés de soutenir le terrorisme si le Conseil militaire engageait un « changement fondamental » de gouvernance.
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1989, M. Bachir a dirigé d’une main de fer un pays miné par une situation économique désastreuse et par des rébellions dans plusieurs régions. La Cour pénale internationale (CPI) a lancé des mandats d’arrêt contre lui pour « crimes de guerre » et « génocide » dans la région du Darfour (ouest).
Plusieurs pays africains réunis sous la houlette de l’Egypte ont appelé mardi à une « transition pacifique et démocratique » d’ici trois mois au Soudan, un délai plus long que les 15 jours accordés récemment par l’Union africaine (UA) aux militaires pour céder le pouvoir.