Soudan : une foule immense déferle à Khartoum pour réclamer un pouvoir civil
Soudan : une foule immense déferle à Khartoum pour réclamer un pouvoir civil
Le Monde.fr avec AFP
Le mouvement de contestation réclame que le Conseil militaire de transition, qui s’est donné un mandat de deux ans, transfère le pouvoir sans plus tarder.
Lors de la « marche du million » à Khartoum, le 25 avril. / OZAN KOSE / AFP
Au son de chants révolutionnaires, une foule immense a déferlé jeudi 25 avril à Khartoum, la capitale du Soudan, à l’appel des chefs de file de la contestation à une « marche du million » pour que l’armée cède le pouvoir à une autorité civile. Un Conseil militaire de transition dirige le pays depuis le renversement par l’armée du président Omar Al-Bachir le 11 avril, après des mois de manifestations populaires.
« Œil pour œil, dent pour dent, nous n’accepterons pas les compensations » proposées par les militaires jusqu’à présent, chantent les manifestants devant le siège de l’armée, où a lieu un sit-in permanent depuis le 6 avril. Ils réclament la condamnation des responsables du régime d’Omar Al-Bachir durant ses quelque 30 ans au pouvoir. La veille, trois généraux contestés sur les 10 membres du Conseil militaire avaient démissionné.
Des juges soudanais participent à la « marche du million » à Khartoum, le 25 avril. / - / AFP
Pour la première fois des juges, drapés dans leur robe, ont défilé, ce jeudi, depuis la Cour constitutionnelle pour réclamer « l’indépendance » du système judiciaire et rejeter toute « intervention politique ». Mais à leur arrivée devant le QG de l’armée, certains manifestants les ont accueillis avec colère en leur reprochant d’avoir rendu des verdicts favorables au régime dans le passé.
Contestation qui va crescendo
Des manifestants venus des Etats de Jazira (centre) et du Nil Bleu (sud-est), ainsi que du village natal du président déchu, étaient également présents à Khartoum. Des groupes de femmes, particulièrement actives depuis le début de la contestation le 19 décembre, ont brandi des drapeaux soudanais en chantant.
Des rassemblements ont été signalés dans cinq autres Etats du pays, dont un dans la région en conflit du Darfour (ouest), chacun répondant à sa façon à l’appel à participer à la « marche du million » lancé par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe les principales formations du mouvement de protestation.
Face à une contestation qui va crescendo, le Conseil militaire avait annoncé mercredi avoir conclu un « accord » avec l’ALC « sur la plupart des exigences présentées » par cette coalition, sans donner plus de détails ni de calendrier pour le transfert du pouvoir à une autorité civile.
Dans un communiqué sur Twitter, l’Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation qui fait partie de l’ALC, a vu dans la réunion de mercredi une étape vers un « renforcement de la confiance » entre les deux parties et annoncé la mise en place d’un « comité conjoint » pour « discuter des problèmes en suspens ».
L’un des leaders de la contestation, Siddiq Farouk, avait brandi mercredi la menace d’une « grève générale » à travers le pays si le Conseil militaire n’accédait pas aux revendications des manifestants. La contestation, déclenchée le 19 décembre par la décision du gouvernement Béchir de tripler le prix du pain, avait rapidement mué en dénonciation du président et du système en place.
« Pas d’ingérence dans nos affaires »
Des Soudanais devant une peinture murale réalisée devant le QG de l’armée à Khartoum, le 24 avril. / OZAN KOSE / AFP
Plusieurs pays africains réunis, mardi, chez le voisin égyptien sous la houlette du maréchal président Abdel Fattah Al-Sissi ont décidé d’accorder trois mois au Conseil militaire pour assurer une « transition pacifique et démocratique ».
L’Union africaine avait menacé le 15 avril de suspendre Khartoum si l’armée ne quittait pas le pouvoir d’ici 15 jours au profit d’une « autorité politique civile ».
Réagissant à la déclaration du Caire, des Soudanais ont protesté jeudi devant le consulat et l’ambassade d’Egypte à Khartoum, arborant des banderoles sur lesquelles était écrit : « Sissi (...) pas d’ingérence dans nos affaires. »