Bénin : une abstention massive aux législatives pour protester contre le gouvernement
Bénin : une abstention massive aux législatives pour protester contre le gouvernement
Le Monde.fr avec AFP
L’opposition, privée de candidats, avait appelé ses partisans à ne pas voter dimanche.
C’est une abstention massive qui en dit long. Le Bénin, pays réputé pour être un exemple de démocratie en Afrique de l’Ouest, votait dimanche pour élire ses députés mais le scrutin a été boudé par une grande partie du pays. Une manière de contester le fait que l’opposition n’a pas été autorisée à se présenter, signe pour nombre d’observateurs d’un tournant autoritaire du président Patrice Talon.
La radio nationale a appelé en vain les 5 millions d’électeurs béninois à « accomplir leur devoir de citoyen » et à se rendre aux urnes pour élire leurs 83 députés. Mais l’opposition, privée de candidats à la suite d’une révision de la loi électorale, avait appelé ses partisans à ne pas aller voter, en signe de protestation.
Les Béninois, mécontents de la situation dans leur grande majorité, ont signifié leur désaccord en boudant les urnes en masse. Les rues étaient quasiment vides à travers le pays et notamment à Cotonou, la capitale économique, où les commerces et marchés sont restés fermés toute la journée par crainte d’échauffourées.
« On n’a jamais vu ça »
Dans les bureaux de vote, les électeurs ont défilé « au compte-gouttes », expliquait à la mi-journée Kpleli Glele Marius, président d’un bureau de vote de Seme-Podji, région de l’opposant en exil Sébastien Ajavon. Dans la dizaine de bureaux de vote visités par l’AFP à Seme-Podji, aucun n’a dépassé les 35 votants sur plus de 400 inscrits.
Les représentants de la Commission électorale (Céna) ainsi que les observateurs des partis étaient atterrés et fatigués par des heures d’attente. « On n’a jamais vu ça », confiait l’un d’eux au moment du dépouillement. « La population n’est pas sortie ».
Dans la région d’Allada, la participation moyenne des bureaux visités dépassait difficilement les 20 %. En effet, il semble que même les partisans du président ne se soient pas rendus aux urnes. « Je ne suis pas un opposant farouche. A vrai dire, je supporte le président Talon », explique à l’AFP Wilfrid Pokini. « Mais je ne soutiens pas cette élection. Une élection sans opposition, c’est quoi ça ? » s’interroge ce commerçant de Porto Novo. « Ca va trop loin ».
« La vague d’arrestations arbitraires de militants politiques et de journalistes et la répression des manifestations pacifiques ont atteint un niveau alarmant au Bénin », s’est inquiété Amnesty International dans un communiqué publié vendredi soir.
Le Parlement a approuvé fin 2018 la mise en place d’un nouveau code électoral pour simplifier le paysage politique et empêcher la prolifération des partis (plus de 250 dans un pays de 12 millions d’habitants). Toutefois, même les principaux mouvements de l’opposition ne sont pas parvenus à remplir les conditions imposées par la Céna et n’ont pu présenter leur liste. Résultat : les Béninois n’avaient le choix qu’entre le Bloc Républicain et l’Union Progressiste, deux mouvements proches du président Patrice Talon.
Le pays s’est réveillé sans accès aux réseaux sociaux dimanche
Nombreux organismes de la société civile béninoise ainsi que des représentants internationaux n’ont pas souhaité déployer d’observateurs en signe de mécontentement. Les principaux opposants au président Talon vivent actuellement en exil, et récemment de nombreux militants, politiques ou journalistes ont été interpellés ou convoqués au commissariat.
C’était également la stupéfaction dimanche matin lorsque le pays s’est réveillé sans aucun accès aux réseaux sociaux pour la première fois de son histoire. Au cours de la journée, tout accès à internet a été coupé sur l’ensemble du territoire.
Amnesty International, qui s’était déjà inquiété vendredi d’un « niveau de répression alarmant » au Bénin, a dénoncé « la décision de couper l’accès à internet le jour de l’élection ». « C’est une violation flagrante de la liberté d’expression », dénonce l’ONG. « C’est une manière de réduire au silence les défenseurs des droits humains, les journalistes et les blogueurs ».