Quand les recalés du permis de conduire saisissent les tribunaux
Quand les recalés du permis de conduire saisissent les tribunaux
LE MONDE ARGENT
Le premier ministre vient de décider quelques mesures censées faire baisser le coût du permis. Cet examen est si important, pour certains candidats, que, lorsqu’ils échouent, ils saisissent les tribunaux administratifs.
La plupart des candidats recalés sont également recalés dans leurs demandes... / Philippe Turpin / Photononstop
Prenons l’exemple de Mme X : elle passe l’épreuve pratique le 17 novembre 2009, et échoue. Par requête du 30 novembre 2009, elle demande au tribunal administratif de Caen (Calvados) d’annuler l’avis par lequel l’inspecteur du permis de conduire a déclaré son résultat « insuffisant ».
Elle soutient que les erreurs qu’elle a commises étaient « sans gravité » et qu’elle « dispose des capacités nécessaires pour l’obtention du permis ». Elle explique qu’« étant étudiante à Rennes, le permis de conduire lui est nécessaire » et que « de nombreux candidats commettent des erreurs plus graves sans pour autant être ajournés à l’épreuve pratique du permis de conduire »
Erreurs sérieuses
Le tribunal, qui statue le 9 février 2010, rappelle qu’aux termes de l’article 26 d’un arrêté relatif aux modalités de l’épreuve pratique, « l’expert prend en compte aussi bien les actions correctement réalisées par le candidat que les erreurs éventuellement commises dans un même domaine de compétence. Il tient compte également du contexte de circulation ».
Le tribunal constate que « le certificat d’examen établi à la suite des épreuves pratiques mentionne, dans les rubriques observer et analyser son environnement, anticiper son évolution et adapter sa conduite à l’environnement, l’existence d’erreurs sérieuses révélant un niveau de compétences insuffisant pour l’obtention du permis de conduire ».
Mme X objecte que l’avis de l’inspecteur est « entaché d’irrégularité » : en effet, il n’a pas reporté sur le certificat d’examen à la rubrique « vérifications extérieures » la notation favorable qu’elle a obtenue. Le tribunal considère que cette omission « n’est pas, dans les circonstances de l’espèce, de nature à faire regarder la procédure comme entachée d’irrégularité ». En effet, « le résultat de l’examen ne pouvait, en application des dispositions précitées, qu’être défavorable ». Enfin, le tribunal estime que les derniers arguments de Mme X « sont sans incidence sur la régularité de l’avis émis par l’inspecteur du permis ». Il rejette sa requête.
Raté cinq fois
M. Y, lui, passe la conduite le 18 janvier 2016, sans succès. Le 3 février 2016, par requête auprès du tribunal administratif de Nice, il conteste le résultat obtenu, et sollicite « la possibilité de repasser son permis de conduire dès que possible avec un autre inspecteur ».
Il explique qu’il a été « reconnu prêt à passer l’examen du permis de conduire par sa monitrice d’auto-école après avoir suivi 24 heures de leçons » ; qu’il a « raté cinq fois cet examen qu’il a passé quatre fois avec la même inspectrice » ; qu’il a « repris 34 heures de leçons et, de plus, conduit, supervisé par sa mère, elle-même fille de moniteur d’auto-école ».
Le tribunal, qui statue le 14 avril 2016, juge que « l’appréciation portée sur des compétences par l’inspecteur du permis de conduire ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ». Et que, par voie de conséquence, « les conclusions de la requête sont manifestement irrecevables et doivent être rejetées ».
Le tribunal ajoute qu’« il n’appartient pas au juge administratif de faire œuvre d’administrateur » : il ne peut donc « que rejeter » les conclusions du requérant tendant ce que le tribunal ordonne qu’il subisse un nouvel examen avec un autre inspecteur.
Bavardage dans le véhicule
Mme Z passe le permis le 24 mars 2014 et le rate. Le 31 mars 2014, elle conteste l’avis défavorable de l’inspecteur, en se plaignant notamment de ce qu’il a « discuté tout au long de l’examen avec le moniteur présent à l’arrière du véhicule ». Le tribunal administratif de Toulouse, qui statue le 30 juin 2016, répond que « l’appréciation portée sur la compétence d’un candidat par les inspecteurs du permis de conduire n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir », et rejette sa requête.
La plupart des justiciables se voient opposer les deux arguments suivants : d’une part, « la décision de délivrance du permis de conduire est prise par le préfet au vu de l’ensemble des résultats des épreuves ; dès lors, les candidats ne sont pas recevables à demander l’annulation de l’une de ces épreuves prise isolément » ; d’autre part, « l’appréciation portée sur la compétence d’un candidat par les inspecteurs du permis de conduire ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d’être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir ».