Emmanuel Macron lance la réorganisation de sa sécurité
Emmanuel Macron lance la réorganisation de sa sécurité
Par Nicolas Chapuis, Olivier Faye
Le projet, dans les tuyaux depuis plus d’un an, avait été retardé par le déclenchement de l’affaire Benalla, ce dernier étant impliqué de près dans cette réforme.
Audition du général de brigade Eric Bio-Farina, à l’Assemblée nationale le 25 juillet 2018, dans le cadre des travaux parlementaires menés pour « faire la lumière sur les événements survenus à l’occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018 ». / LAURENCE GEAI pour « Le Monde »
Le dispositif de protection d’Emmanuel Macron et de l’Elysée se réorganise petit à petit. La présidence de la République a procédé par décret, vendredi, à deux nominations inscrites samedi 4 mai au Journal officiel. Une information révélée par L’Essor, un magazine spécialisé sur la gendarmerie. Le général de brigade Eric Bio-Farina, qui dirigeait déjà le commandement militaire du palais, a été nommé à la tête d’une nouvelle entité, baptisée direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR). Le colonel Benoît Ferrand a pour sa part été nommé chef du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), en remplacement de Lionel Lavergne.
Il s’agit en réalité de la première étape d’une restructuration du schéma de protection du chef de l’Etat. Le commandement militaire était jusqu’à présent chargé de la sécurité à l’intérieur du palais, tandis que le GSPR était responsable de la protection du président lors de ses déplacements à l’extérieur. Ces deux entités vont désormais être chapeautées par la toute nouvelle direction de la sécurité de la présidence de la République.
Cette réorganisation vise à améliorer la coordination entre les deux forces qui s’occupent de la sécurité du président, qui sont parfois antagonistes. Le commandement militaire est exclusivement composé de gendarmes, tandis que le GSPR est formé à parité de militaires du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et de policiers issus du service de la protection (SDLP). Mais elle a également pour objectif de placer la sécurité du président directement sous la coupe de l’Elysée, alors que les forces de protection répondent actuellement aux consignes du ministère de l’intérieur.
Ce premier mouvement en préfigure un second, en septembre. Le général Eric Bio-Farina devrait quitter la présidence pour rejoindre la garde républicaine. Le colonel Benoît Ferrand prendra la tête de la DSPR. Il sera assisté du commissaire divisionnaire Georges Salinas, qui est l’actuel no 2 de la brigade de recherche et d’intervention de la préfecture de police de Paris (BRI-PP), l’unité d’élite des policiers de la capitale.
Tourner la page de l’affaire Benalla
Ces changements de poste permettent également à l’Elysée de tourner la page de l’affaire Benalla. Le jeune chargé de mission de l’Elysée, qui avait molesté des manifestants le 1er-Mai 2018, était en grande partie chargé de la réforme de la sécurité du chef de l’Etat, qui souhaitait bénéficier d’une plus grande indépendance vis-à-vis de la Place Beauvau. Son exposition soudaine avait eu pour conséquence de lever en partie le voile sur cette réforme qui divise au sein des forces de l’ordre. De nombreux policiers considèrent en effet qu’il s’agit d’une mainmise des gendarmes sur la sécurité du chef de l’Etat, quand d’autres redoutaient que des civils, spécialistes de la protection rapprochée comme l’était Alexandre Benalla, soient impliqués dans le dispositif.
Audition du colonel Lionel Lavergne, le 25 juillet à l’Assemblée nationale, dans le cadre des travaux parlementaires menés pour « faire la lumière sur les événements survenus à l’occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018 ». / LAURENCE GEAI pour « Le Monde »
Le général Eric Bio-Farina, officiellement responsable de la réforme, avait d’ailleurs fait partie des premières personnes entendues par les enquêteurs et par la commission des lois du Sénat. « Ce n’est pas du tout lié à l’affaire Alexandre Benalla », jure-t-on pourtant dans l’entourage d’Emmanuel Macron, où l’on replace ce changement de poste dans le cadre de la « réorganisation interne de l’Elysée » lancée à l’automne 2017. Cette dernière a abouti à la création de quatre grandes directions au sein du palais : communication, opérations (organisation des événements internes et externes), ressources humaines et, donc, sécurité.
Pour le général Lionel Lavergne, la pression judiciaire commençait également à se faire sentir. Il fait partie des personnes visées par les signalements du Sénat pour faux témoignage devant la commission d’enquête, sur le rôle réellement joué par Alexandre Benalla au sein du dispositif élyséen. M. Lavergne est appelé à devenir, selon l’Elysée, adjoint du directeur des opérations de la gendarmerie nationale. « Pour le général Lavergne, cela se situe dans le prolongement normal de sa carrière. Le GSPR, ce n’est pas une fin en soi », estime-t-on à l’Elysée, niant à nouveau tout lien avec cette affaire qui empoisonne la vie du château depuis un an.
L’affaire Benalla résumée en 5 minutes
Durée : 05:31