Attention : cet article est une critique de l’épisode 5 de la saison 8 de « Game of Thrones » (« The Bells »). Les personnes souhaitant éviter de se le faire divulgâcher devraient l’avoir vu avant de lire les lignes qui suivent.

Extrait de l’épisode 5 de la saison 8 de « Game of Thrones », « The Bells ». / HBO

On n’échappe pas à son destin. Celui de couple maudit. Celui que porte son nom de famille. Et celui d’une série télévisée qui doit dénouer, alors qu’elle vit ses derniers instants télévisuels, les principaux arcs narratifs attendus depuis ses débuts.

Le cinquième, et avant-dernier épisode de Game of Thrones, n’avait pas d’autres choix que d’être majeur. Pour avancer dans les résolutions d’intrigues, il se devait aussi de « réparer » ce qui était jusqu’ici une sorte d’anomalie dans cette huitième saison : la plupart des personnages principaux avaient, miraculeusement, jusqu’ici presque tous survécu. Et ce même à l’assaut de la mort elle-même pendant l’épisode trois, The Long Night. On parle pourtant ici d’une série télévisée, et de livres, dont l’une des devises centrale continue d’être : Valar morghulis (« tout le monde doit mourir »).

Pires que la mort

Après avoir vu The Bells, nous voilà rassurés. Dans Game of Thrones, les hommes restent définitivement bien pires que la mort en personne. Porté par la folie destructrice de Daenerys, le souffle de l’implacable traverse cet avant-dernier épisode, magistralement réalisé par Miguel Sapochnik, qui avait déjà signé The Long Night et la fin de la saison 6 (dont le fameux The Battle of Bastards).

Cette sombre réalité est aussi subtile que les flammes crachées par la gueule de Drogon, le dragon que chevauche la « Mad Queen ». Après s’être échauffés sur Lord Varys, qui fait les frais de sa trahison en jouant la carte de Jon Snow contre Daenerys Targaryen pour conquérir le Trône de fer, Drogon et sa reine s’en prennent à Port-Réal, ses murs, son palais, ses habitants.

Echappant, grâce à un vol en rase-mottes que l’épisode 4 avait démontré comme nécessaire, aux flèches tirées par les arbalètes antidragons, ils hurlent un mur de flammes, de vengeance et de haine, qui remplace toute trace de parole dans la bouche de Daenerys, même lorsqu’elle décide de massacrer les survivants. Elle n’a, de toute façon, plus confiance envers les gens qui parlent autrement que dans sa langue maternelle.

Le 11-Septembre de Westeros

Face à ce « règne de la peur » assumé en début d’épisode, et conforme aux visions de Daenerys lors de la saison 2, à sa famille et à sa psychologie, les rares lueurs d’humanité peinent à briller. Jon Snow, les yeux plein d’effroi, choisit la fuite et abandonne une population à son sort, dépassé par le chaos et la destruction semés par la reine en qui il avait placé son amour et sa confiance.

Arya Stark, elle, titube, hébétée, le visage couvert de sang et de cendres, telle une survivante de ce 11-Septembre de Westeros. Elle a changé d’avis en refusant d’aller tuer Cersei, ce que d’aucun regretteront comme un changement de caractère après les précédentes saisons. Reste que ses tentatives pour être une meneuse et conduire un groupe de personnes vers un hypothétique salut – après tout, qu’est-ce d’autre que de diriger ? – ont lamentablement échoué. Il ne lui restera plus qu’une option pour tuer des « yeux verts » et accomplir la prophétie de la sorcière Mélisandre : se venger de Daenerys dans l’épisode 6, qui répond vraisemblablement au descriptif.

L’allié et mentor d’Arya, Sandor Clegane, a choisi la mort, en s’attaquant à son frère mort-vivant, la Montagne, pour venger le brûlant affront de son enfance. L’issue de ce duel – le Cleganbowl qu’attendaient de nombreux fans – ne pouvait qu’être tragique. Son exécution, épique, convoque le combat entre Anakin Skywalker et Obi Wan-Kenobi dans l’épisode III de Star Wars. Mais contrairement à Dark Vador, la Montagne, invincible, ne pourra être vaincue que par la destruction totale.

Le Trône a-t-il survécu ?

Ce tableau, d’une noirceur sans équivalent dans la huitième saison (on n’avait pas encore vu autant de sang ni de cadavres en plein jour), retrouve la dureté et la tonalité que Game of Thrones avait pu déjà développer précédemment. Un personnage détestable y mérite toujours une mort atroce : c’est le cas d’Euron Greyjoy, qui se fait retourner les tripes en plein délire mégalomaniaque. D’autres scènes font resurgir des souvenirs les plus gores, tels les doigts de la Montagne qui s’enfoncent un peu trop profondément dans les orbites d’un ennemi.

La ville Port-Réal avait déjà été le théâtre de nombreuses atrocités. C’est là que gouverne le roi Joffrey, là que la reine Cersei se fait conspuer par la foule, là aussi qu’elle fait exploser le septuaire de Baelor. On savait que la ville portait en elle les cicatrices des batailles pour le Trône de fer. Mais la cité joue ici le rôle de sa vie, donnant corps aux pulsions de morts et de vengeance de Daenerys Targaryen, qui laisse derrière elle cadavres calcinés, survivants en larmes, vieilles pierres détruites. On quitte l’épisode en ignorant si le Trône, en tant que tel, a survécu à son carnage.

Et les Lannister sont désormais décimés. Jaime et Cersei ont eu beau se raccrocher à des sentiments humains (« Je veux que notre enfant reste en vie », pleure Cersei acculée), leurs derniers moments ont rétabli l’ordre propre à leur nom famille. « Regarde-moi. (…) Rien d’autre ne compte », ordonne Jaime Lannister à sa soeur. Une reprise sans le savoir d’un tube de Metallica (« Nothing Else Matters ») pour marquer à jamais que le reste de l’humanité n’a que peu d’importance, avant que leur monde ne s’effondre littéralement sur eux.

La lutte finale

Dans cette fresque dantesque, figée par certains plans composés comme des tableaux, on ne retrouve plus qu’une seule personne à même de porter une flamme d’humanité et d’espoir parmi les puissants : Tyrion Lannister. Son stratagème pour tenter de faire échapper Port-Réal à la destruction et à la terreur (faire sonner les cloches de la ville pour libérer Daenerys de ses démons et faire baisser les armes) échoue. Il disparaît alors de l’épisode, sans qu’on sache très bien pourquoi.

Mais il a le temps de rappeler, avant ça, l’histoire de sa vie, et de la lutte qu’il a mené contre les souffrances et les moqueries liées à sa condition physique. « Tu es le seul à ne pas m’avoir considéré comme un monstre », avoue-t-il à son frère Jaime, en le libérant de ses liens avant de pleurer dans ses bras. Un éclat d’humanisme bien rare, mais qui confère à Tyrion un rôle encore primordial à jouer dans la fin de Game of Thrones, qui verra vraisemblablement s’affronter les survivants des Stark contre Daenerys Targaryen.