Les lycéens ont un temps limité pour répondre aux propositions d’admission des formations. / Alain Le Bot / Photononstop

Le système Parcoursup, conçu pour libérer des places au fur et mesure, place de nombreux candidats dans la case « en attente ». Une situation qui génère stress et angoisse chez beaucoup de jeunes – en particulier ceux qui se trouvent en fin des listes – et crée une hiérarchie explicite entre les candidats.

Qu’est-ce qui se joue autour de cette attente, consubstantielle de cette plate-forme de pré-inscription dans l’enseignement supérieur ? François Sarfati, professeur de sociologie à l’université d’Evry Paris-Saclay, spécialiste de l’université et de l’emploi des jeunes, analyse les mécanismes de Parcoursup et leurs conséquences.

Le ministère de l’enseignement supérieur explique qu’attendre fait partie du principe même de Parcoursup. Même s’ils le savent, les jeunes qui sont « en attente » sur tous leurs vœux depuis mercredi 15 mai sont souvent désemparés. Comment expliquez-vous cette différence de perception ?

François Sarfati : Du côté des personnes qui fabriquent Parcoursup, cette attente subie par les jeunes ne possède pas beaucoup de valeur, puisque leur objectif est de gérer des flux. Pour eux, l’important est qu’au moment de la rentrée, tous les candidats inscrits sur la plate-forme aient une place dans l’enseignement supérieur. Les concepteurs de Parcoursup sont jugés sur leurs capacités à limiter les bugs et à ce que le système aille à son terme.

A l’inverse, les élèves et leurs familles attendent avec impatience les réponses à leurs vœux, car ils ont besoin de se projeter dans l’avenir. Le poids très important du diplôme dans les processus d’orientation et d’insertion professionnelle n’est pas pour rien dans cette angoisse montante. En France, plus que dans d’autres pays, les choix d’orientation semblent définitifs : les jeunes ont l’impression de rentrer dans une filière une bonne fois pour toutes. Les réponses de Parcoursup paraissent donc très engageantes pour la suite.

Quelles conséquences peut avoir cette attente sur la perception des lycéens de l’enseignement supérieur ?

Dès le 15 mai, jour des premiers résultats, le système oppose les meilleurs élèves [qui ont eu tout de suite une ou plusieurs propositions d’admission] et les autres, placés en liste d’attente ou refusés. Parcoursup sécurise les plus confiants et insécurise les plus vulnérables puisque par nature, ce sont ceux qui ont les moins bons résultats scolaires qui vont attendre le plus longtemps. Ceux qui sont pris in extremis, du fait de leur place dans la liste, savent ainsi qu’ils ne sont pas dans le haut du panier. Se crée alors une « hiérarchie de l’attente » entre les candidats : il y a ceux qui ont eu une réponse dès le 15 mai, ceux qui ont attendu un peu, et ceux qui ont attendu jusqu’au bout de la procédure. Il en va de même du rang dans la liste d’attente. Etre 12 000e est, à tort ou à raison, peu valorisant.

L’attente vient inquiéter les candidats, juste avant le bac et l’entrée dans l’enseignement supérieur. Cela ne concerne pas que les élèves les plus faibles. Chez ceux qui n’ont pas de réponses malgré un niveau scolaire bon ou correct cela instille le doute : leur parcours leur avait fait penser qu’ils s’en sortiraient et là, Parcoursup vient leur dire : « c’est pas gagné ». Ce sentiment d’avoir été choisi ou non a des incidences très fortes. Des études ont montré que lorsqu’un groupe de travaux dirigés à l’université est désigné comme un groupe d’excellence, peu importe si cette excellence est fondée ou non, les membres de ce groupe vont se sentir importants, forts et prometteurs.

Parcoursup plonge dans l’incertitude ceux qui avaient déjà des difficultés au départ. Autrement dit, plus on a des difficultés scolaires, plus on est mis à l’épreuve par l’institution. Or, ce sont les personnes qui ont eu les parcours scolaires les plus chaotiques qui ont un rapport avec l’institution le plus problématique. Ce phénomène d’attente ne fait que renforcer cette perception. Alors même que la réussite à l’université, si elle dépend bien sûr du niveau scolaire antérieur, résulte aussi beaucoup du niveau de confiance dans sa formation.

Vous dites que la compétition entre élèves s’en trouve renforcée…

Oui. Déjà, de nombreux collégiens disent l’angoisse que représente le système d’affectation Affelnet pour entrer au lycée. A cela se rajoute l’incertitude du nouveau bac, la crainte de faire de mauvais choix de spécialités…

Différentes études internationales montrent que le système français est concurrentiel mais depuis Parcoursup, la modalité de la concurrence a changé. Auparavant, ceux qui allaient vers des formations non sélectives étaient affectés assez naturellement vers leur choix. Parcoursup vient ajouter de l’incertitude. Pourtant, il ne faut pas oublier que dans beaucoup de filières universitaires, il y a quasiment autant de places que d’aspirants. Dans ces licences, la sélection n’existe pas mais les candidats doivent tout de même attendre que des places se libèrent.

Vous êtes également sociologue du travail. Est-ce que Parcoursup adopte les codes du recrutement en entreprise ?

Dans l’idée, oui ! Dans un monde concurrentiel et sélectif, il faut se porter candidat et défendre sa candidature. Dans les faits, il y a fort à parier que peu de responsables de formation lisent les lettres de motivation des lycéens. Dans beaucoup de cursus, les classements arrivent à des rangs d’ex-aequo jusqu’au deuxième chiffre après la virgule. On a plutôt industrialisé la sélection. Le temps joue comme une variable d’ajustement.

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