En Tunisie, forte affluence au pèlerinage juif de la Ghriba
En Tunisie, forte affluence au pèlerinage juif de la Ghriba
Le Monde.fr avec AFP
Chaque année, sur l’île de Djerba, des milliers de juifs tunisiens exilés depuis l’indépendance viennent prier dans la plus vieille synagogue d’Afrique.
Des milliers de fidèles juifs venus notamment de France et d’Israël, des ministres et des dignitaires ont assisté, mercredi 22 mai, au début du pèlerinage annuel de la Ghriba, la plus ancienne synagogue d’Afrique, sur l’île tunisienne de Djerba (sud).
Organisé au 33e jour de la Pâque juive, ce pèlerinage coïncide cette année, pour la première fois depuis 1987, avec le mois sacré de jeûne musulman du ramadan. Plusieurs centaines de dirigeants politiques, religieux et économiques juifs et musulmans ont dîné ensemble à la rupture du jeûne, mercredi soir, devant la Ghriba, avec des diplomates et des membres de la communauté djerbienne.
Les pèlerins ont défilé mercredi pour prier, allumer des bougies et inscrire leurs vœux sur des œufs, placés ensuite dans une cavité de la synagogue. Au milieu des youyous et des chants, certains ont fait bénir fruits secs et boukha – l’alcool de figue local – par les rabbins.
« Ce n’est pas facile d’organiser tout cela alors que les gens jeûnent ici. Ils sont fatigués, mais on est aussi bien accueillis que d’habitude », se réjouit Laura Tuil-Journo, venue de Paris. « Cette année c’est archi plein, les gens viennent maintenant en pleine confiance, d’autant que M. Trabelsi est devenu ministre. »
René Trabelsi, voyagiste et co-organisateur du pèlerinage, fils du responsable de la synagogue de la Ghriba, est devenu en novembre 2018 ministre du tourisme. Il est le premier Tunisien de confession juive à occuper un poste de ministre depuis l’ère de Habib Bourguiba (1957-1987).
« La culture de la tolérance et de l’ouverture garantit la capacité à développer la citoyenneté et la démocratie (…) ainsi que le sentiment de l’appartenance à ce cher pays », a déclaré le premier ministre Youssef Chahed, qui est venu rompre le jeûne à la Ghriba avec M. Trabelsi, le ministre des affaires religieuses Ahmed Adhoum, et le vice-président de la conférence des rabbins européens, Moché Lewin.
« Comme des cousins »
En 2002, un attentat-suicide visant la synagogue avait tué 21 personnes. Plusieurs centaines de policiers et militaires, accompagnés de tanks et d’hélicoptères sont déployés pour protéger les pèlerins sur l’île, située à 125 km de la frontière libyenne.
Avec l’amélioration de la sécurité en Tunisie ces dernières années, et la publicité faite au pèlerinage, ce dernier renoue peu à peu avec sa fréquentation d’avant 2002, quand il attirait quelque 8 000 fidèles chaque année.
Plus de 5 000 personnes, dont environ 600 venues d’Israël, et d’autres de France, d’Angleterre ou de Russie, sont attendues pour ce pèlerinage de deux jours, dans la petite synagogue couverte de faïences.
« Mes parents ont quitté la Tunisie dans les années 1960, c’est la première fois que je viens découvrir mes racines, et nous avons été accueillis avec chaleur, comme des cousins », explique avec émotion Rami Trabelsi, un quadragénaire venu de Tel-Aviv, sans lien de parenté avec le ministre tunisien. « Je reviendrai peut-être avec mes enfants, car c’est très important pour nous, en Israël, nous avons conservé notre culture, ces chants, cet accent, j’ai l’impression d’entendre la voix de mon père » défunt, confie-t-il.
Le pèlerinage de la Ghriba est au cœur des traditions des Tunisiens de confession juive, qui ne sont plus que 1 500, majoritairement installés à Djerba, contre 100 000 avant l’indépendance en 1956.
« Chaque fois que je viens ici, je rentre plein d’espoir pour l’avenir, indique à l’AFP Israël Elia, originaire de Djerba et rabbin d’une des principales synagogues londoniennes. La Tunisie est une pionnière courageuse du respect mutuel, il y a une cohabitation extraordinaire. »