Roland-Garros : la débâcle des Françaises
Roland-Garros : la débâcle des Françaises
Par Clément Martel
Pour la première fois depuis plus de trente ans, aucune joueuse française ne s’est qualifiée pour le troisième tour du tournoi du Grand Chelem parisien.
Caroline Garcia quitte le court Philippe-Chatrier, et donc le tournoi de Roland-Garros dès le deuxième tour. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
« On est en finale de Fed Cup, la question est déplacée ! » Au royaume des aveugles, évitez de demander qui sont les rois. Interrogée sur un éventuel « trou générationnel » chez les Françaises de la balle jaune, Kristina Mladenovic a vu rouge. Pour la joueuse, « dominée dans tous les compartiments du jeu » au deuxième tour de Roland-Garros par la Croate Petra Martic (6-2, 6-1), interroger le niveau global des Bleues est « déplacé », en témoigne la présence de l’équipe de France en finale de Fed Cup. Le constat est pourtant sans appel : après l’élimination surprise de Caroline Garcia, jeudi 30 mai, au second tour par la Russe Anna Blinkova, issue des qualifications (1-6, 6-4, 6-4), la déroute des Françaises est totale.
Dans une édition mettant à l’honneur Simonne Mathieu, sacrée en 1938 et 1939, figure de la Résistance mais reléguée dans l’ombre de la « divine » Suzanne Lenglen, ses héritières font grise mine. Pour la première fois depuis plus de trente ans – le précédent remontant à 1986 –, aucune Française ne disputera le troisième tour du tournoi parisien.
« C’est un truc de journalistes, a balayé Caroline Garcia en conférence de presse. Vous et vos chiffres, vous vous y retrouvez. » Pas question pour la numéro un française d’extrapoler après son élimination. « Je suis déçue, comme le public français, de l’absence de Françaises au troisième tour, et probablement plus que lui car moi je suis sur le terrain, convient-elle. Mais, à part ça, je ne sais pas quoi dire sur le sujet. »
Garcia se délite, « il ne s’est plus rien passé »
Après avoir remporté aisément le premier set, la Française s’est crispée. Avant de se déliter dans la troisième manche. « J’ai mené 3-0, puis 4-1, et après je n’ai plus marqué un jeu. Qu’est-ce qui s’est passé ? Rien, justement. Il ne s’est plus rien passé. » Un triste épilogue pour la dernière représentante du – faible, mais renforcé par des wild cards – contingent français.
Dans le meilleur des cas, anticipait le consultant RMC – et capitaine des Bleues – Julien Benneteau avant le tournoi, « chez les filles, il y aura deux Françaises au mieux en deuxième semaine », songeant à Garcia et Mladenovic. Le meilleur des cas n’est pas advenu, sinon « une bonne surprise », avec la qualification de la junior Diane Parry –16 ans – au second tour.
Car, jusqu’à l’élimination de Garcia jeudi, les résultats reflétaient l’implacable réalité du classement WTA, aucune des Bleues n’ayant perdu contre une joueuse moins bien classée qu’elle. « C’est notre niveau actuel dans le tennis féminin », tranche Thierry Champion, responsable du haut niveau à la Fédération française de tennis (FFT). Cinq joueuses dans le top 100, une seule tête de série – Garcia, numéro 24. « Après, toutes les autres joueuses qu’on place dans tableau, en wild card, sont des filles qui n’ont pas le niveau pour intégrer directement les qualifications. Donc, il leur faut faire un exploit à chaque match. »
« On a perdu une génération »
Les Françaises sont-elles dans un creux générationnel ? S’il refuse d’intégrer l’expression à son vocabulaire, le constat de Thierry Champion tend à le confirmer. « Aujourd’hui, on n’a plus de joueuses en qualifications pour les tournois du Grand Chelem. C’est une réalité. Et on n’a que cinq joueuses dans le top 100. C’est aussi une réalité. »
« On a perdu une génération ! » Le directeur technique national (DTN) Pierre Cherret va plus loin que son directeur du haut niveau, ciblant ses prédécesseurs. « On a fermé les pôles [France], on a fermé l’Insep. On a gardé quelques joueuses au Centre national d’entraînement [CNE] sans construire un système à côté, et aujourd’hui on récolte ça. »
Pour adoucir la note, la FFT met l’accent sur un futur qu’elle espère brillant. Une « génération Paris 2024 » incarnée par Diane Parry ou d’autres jeunes pousses qui percent sur le circuit junior. « Il faut absolument avoir de la densité chez les jeunes pour élever le niveau de tennis français, martèle le DTN. Cette densité, on ne l’avait plus depuis très longtemps. »
Il n’y a plus de Française à Roland-Garros. Mais, comme l’a abondamment souligné Mladenovic, l’équipe de France féminine de tennis est qualifiée pour la finale de Fed Cup. Au début de novembre, les Bleues iront en Australie tenter de remporter leur premier titre depuis 2003. « On sait que c’est jouable, assure Thierry Champion, donc, forcément, on va là-bas pour gagner. » Pour cacher une forêt décimée, un trophée est encore ce qu’il y a de mieux.