La saison 5 de « Black Mirror » sera disponible sur Netflix mercredi 5 juin. / Netflix

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A LA DEMANDE

Les fans en ont fini de trépigner. Mais ils risquent de trouver la livraison un peu juste. Mercredi 5 juin, Netflix a mis en ligne une cinquième saison de Black Mirror réduite à trois épisodes seulement. Un format condensé car son scénariste vedette, Charlie Brooker, a mis beaucoup d’énergie et d’inspiration dans la création, en 2018, d’une fiction interactive, un épisode de Black Mirror sorti séparément, Bandersnatch.

Ce projet parallèle explique peut-être pourquoi ce nouveau millésime n’est pas aussi édifiant que les précédents. Jusqu’ici, la plupart des épisodes, à l’origine diffusés par la chaîne privée anglaise Channel 9 avant d’être rachetés par Netflix, ont décrit un futur plus ou moins angoissant, habité par des technologies périlleuses, dépeintes avec la profondeur de vue et l’esprit dystopique qui ont fait la réputation de la série.

Dans ses meilleurs moments, Black Mirror donnait chair à l’idée d’une vie post-mortem dans le « cloud » (saison 3, épisode 4), poussait la tyrannie du « like » à une extrémité profondément déshumanisante (saison 3, épisode 1) et dissuadait quiconque de rêver à un implant donnant la mémoire absolue (saison 1, épisode 3).

Malheureusement, les épisodes de la saison 5, toujours totalement indépendants les uns des autres, ont perdu la finesse qui faisait le sel des saisons précédentes. On a beau y retrouver une certaine fantaisie baroque, devenue rare depuis la deuxième saison, Charlie Brooker semble avoir attaché peu d’importance à la vraisemblance des situations. Comment en effet croire au transfert de l’intelligence d’une chanteuse – incarnée par Miley Cyrus – dans une poupée de plastique (épisode 3) ou imaginer qu’un joueur plonge dans le corps d’un personnage de jeu vidéo si profondément que ses émotions s’en trouvent colorées (épisode 1) ?

L’immersion est totale pour les personnages du premier épisode, plongés dans le corps de héros de jeux vidéo grâce à une interface numérique. / Netflix

Un faux Twitter

Seul l’épisode 2 renoue avec l’acidité chère à l’esprit de Black Mirror. Pour la troisième fois seulement depuis la naissance de la série, son scénariste quitte le confort narratif d’un futur aux contours flous pour revenir au temps présent, en décrivant une réalité étrangement proche de la nôtre. Cet épisode, intitulé Smithereens (« en mille morceaux »), met en scène un personnage en colère contre un réseau social qui ressemble beaucoup à Twitter. Celui-ci trouve le moyen de téléphoner son patron, qui rappelle étrangement Jack Dorsey, le véritable fondateur de Twitter, qu’on reconnaît à son goût pour les longues retraites méditatives. Particulièrement tendue, la discussion inspire au mania de la Silicon Valley des tirades étonnantes, assimilant le réseau social à une drogue, puis à un jeu d’argent. Au risque de renvoyer à son public le miroir peu flatteur de ses addictions numériques. Avec le danger, peut-être également, de s’exposer à des poursuites.

Le patron d’un réseau social qui ressemble beaucoup à Twitter est interrompu dans sa retraite méditative par un gros problème, il empoigne son ordinateur, et passe en « god mode » (« mode dieu »), selon ses propres paroles. / Netflix

Sans dévoiler la chute de ces trois intrigues, ces épisodes ne sont pas de nature à provoquer une introspection aussi profonde que ce à quoi Black Mirror a pu nous habituer. Au point que le spectateur se demandera si Charlie Brooker a encore dans son imagination, auparavant très fertile, quelques pièges numériques à nous montrer, ou s’il est tout simplement en train de se faire rattraper par la réalité. Puisse l’avenir nous rassurer.

« Black Mirror », saison 5, créée par Charlie Brooker. Avec Topher Grace, Andrew Scott, Miley Cirrus, Pom Klementieff (GB, 2019, trois volets de 61 à 70 min).