LA LISTE DE LA MATINALE

Cette semaine, trois nouvelles séries anglo-saxonnes font un parcours transhistorique qui mène le récit dans le passé ou le futur proche tandis qu’elles mettent au centre de leur propos les réprésentants les plus divers de la communauté LGBTQ.

« Pose » : plongée réussie dans l’underground LGBT

Pose Saison 2 - Bande Annonce - CANAL+
Durée : 00:31

Pose, la série très remarquée créée en 2018 par Ryan Murphy, Brad Falchuck et Steven Canals, a braqué les projecteurs sur la culture underground des « Ballrooms » (« salles de bal ») propre aux communautés LGBT latino et afro-américaines new-yorkaises dans les années 1980. Elle s’était déjà fait connaître en 1989, avec le titre et le clip vidéo lancés par Malcolm McLaren, Deep in Vogue, mais surtout, en mars 1990, grâce à l’enregistrement et au clip vidéo réalisé par David Fincher de la chanson Vogue, interprétée par Madonna, qui fera danser la planète clubbing et connaître au grand public le voguing.

En 1991 sortait aussi un film documentaire, Paris is Burning, de Jennie Livingston, à propos de cette sphère socioculturelle et de la discipline. Celle-ci se situe à l’intersection de la danse, du défilé de mode, du tableau vivant et du mime, inspirée par les poses photographiques des magazines de mode – dont Vogue – et par les fresques égyptiennes anciennes.

C’est d’ailleurs à ce moment que l’on retrouve les personnages – notamment cinq rôles principaux interprétés par les actrices transgenre MJ Rodriguez, Indya Moore, Dominique Jackson, Hailie Sahar et Angelica Ross – de la saison 2, alors que le sida fait rage. Pray Tell (l’extraordinaire Billy Porter), « M. Loyal » des soirées de bal, filmées de manière flamboyante, est traîné de force par une amie infirmière (Sandra Bernhard) à une réunion du mouvement Act Up, auquel il se rallie et tente d’intéresser les communauté LGBTQ qui l’entourent.

On notera, dès l’épisode 2 (nous avons pu visionner les trois premiers de cette saison 2), l’arrivée fracassante de Patti LuPone, grande gueule et star de Broadway – mais souvent vue à la télévision – dans le rôle d’une mafiosa aussi gratinée que redoutable. Pour le reste, difficile de dire où mèneront, après un premier épisode très politique, les fils dramatiques présentés – la carrière inattendue d’un personnage et le recel d’un cadavre par un autre.

« Pose », saison 2, série créée par Ryan Murphy, Brad Falchuck et Steven Canals. Avec MJ Rodriguez, Dominique Jackson, Indya Moore, Billy Porter, Ryan Jamaal Swain, Patti LuPone, Sandra Bernhard. Episode 2 diffusé le mercredi 19 juin à 23 h 20 sur Canal + et disponible sur Canal + à la demande.

« Tales of the City » : les chroniques de San Francisco revisitées

Tales of the City (2019) Saison 1 Bande-annonce (VF)
Durée : 01:49

Tales of the City, adaptation en série de l’anthologie littéraire en neuf volumes (1978-2014) de l’œuvre d’Armistead Maupin traduite en français sous le nom de Chroniques de San Francisco, fera davantage parler d’elle pour les multiples problématiques LGBT contemporaines qu’elle charrie que pour ses qualités dramatiques intrinsèques.

Ce nouveau groupe de dix épisodes, qui fait suite à trois saisons plus courtes (1993-2001, disponibles en DVD et Blue Ray), ne s’inspire que lointainement des livres de Maupin : les auteurs ont réinventé – sous la supervision de l’auteur et d’un groupe de scénaristes qui compte en ses rangs l’écrivain Michael Cunningham – une fin plausible et passablement convenue au phalanstère foutraque et fumeur de joints du 28, Barbary Lane.

Pour mémoire, dans les derniers volumes de l’original littéraire, le groupe des « anciens » n’y habitait plus, ni leur taulière, Mrs Madrigal, le plus célèbre personnage transgenre de la littérature nord-américaine, après Myra Breckinridge de Gore Vidal.

Une nouvelle nichée de locataires LGBT est venue s’agréger à Anna Madrigal (une anagramme, bien entendu) et à Michael Tolliver (« Mouse »), plus jeune et plus musclé que dans la description qu’en fait Maupin dans l’avant-dernier volume de son anthologie.

Le plus intéressant du propos concerne le décalage entre la génération de Mouse, qui a connu les années de la libre-pensée et de la jouissance sans entraves bientôt décapitées par le VIH, et celle des moins de trente ans. L’un des moments forts de cette quatrième saison est celui qui montre Ben, le jeune compagnon de Mouse, feuilletant un vieux carnet d’adresses de ce dernier, dont les deux tiers des noms sont barrés. On aura aussi été sensible à l’évolution d’un jeune personnage transgenre qui voit son désir, à l’origine lesbien, se tourner vers les hommes et mettre en péril le couple qu’il forme avec sa compagne.

Mais que la comédie est lourdingue, que le drame sonne faux (la quête de Shawna, jouée pataudement par Ellen Page, l’épisode « vintage » de la jeunesse de Mrs Madrigal) et, surtout, que les deux composantes ont du mal à se mêler de manière convaincante!

« Tales of the City », saison 4, série créée par Lauren Morelli. Avec Olympia Dukakis, Laura Linney, Murray Bartlett, Ellen Page (Etats-Unis, 2019, 10 × 46-60 min). Sur Netflix.

« Years and Years » : glaçante(s) anticipation(s)

Years & Years (2019) | Official Trailer (VOSTFR)
Durée : 01:44

Au début de Years and Years, série britannique assez stupéfiante par la violence de son propos, il est question d’une « transition ». Mais la jeune fille qui annonce la chose à ses parents compréhensifs (nous sommes, précisons-le, dans une série d’anticipation dont le cours va jusqu’après le deuxième mandat de Donald Trump...) leur indique vite qu’ils font fausse route : elle reste femme, mais veut muter en une sorte de corps numérisé – ce qui la mènera d’ailleurs au bord de la mort.

En revanche, au rayon LGBT, on compte le couple que forment Daniel (Russell Tovey), l’un des membres de cette famille soudée mais remuante que sont les Lyons, avec Viktor, un jeune migrant sans papier ukrainien contraint par la politique sans pitié de cette Grande-Bretagne fictive à rentrer dans son pays natal – où ses jours sont en danger. Il reviendra, mais provoquant un funeste dommage collatéral qui constitue un choc dramatique majeur au cours de l’épisode 4.

Le reste de la série dépeint un futur dont la géopolitique et les sociétés sont bouleversées par les catastrophes nucléaires et climatiques, les faillites bancaires, les régimes politiques autoritaires (avec la populiste incarnée par Emma Thomson, hybride de Margaret Thatcher et de Donald Trump avec une touche de Viktor Orban) et les nouvelles techniques de corps augmenté. Le propos alarmiste de cette série catastrophe pourrait être quelque peu ridicule s’il n’était traité sur un mode pseudo-documentaire dont on espère que la vraisemblance glaçante restera du domaine du cauchemar.

« Years and Years », créée et écrite par Russell T Davies. Avec Emma Thomson, Rory Kinnear, Russell Tovey, Maxim Baldry (Royaume-Uni, 2019, 6 x 52 min.) Disponible à la demande sur MyCanal. La série sera diffusée à la rentrée par Canal+.