Le Chinois Qu Dongyu élu à la tête de la FAO
Le Chinois Qu Dongyu élu à la tête de la FAO
Par Stéphane Foucart
Le candidat de Pékin a été élu au premier tour de scrutin à la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, devant la Française Catherine Geslain-Lanéelle et le Géorgien Davit Kirvalidze.
Le Chinois Qu Dongyu, nouveau directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), le 23 juin à Rome. / VINCENZO PINTO / AFP
Le Chinois Qu Dongyu a été élu, dimanche 23 juin à Rome (Italie), à la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). C’est la première fois qu’un Chinois prend la direction générale de cette agence chargée de lutter contre la faim dans le monde et dont les avis orientent les politiques agricoles de nombreux pays du Sud. La victoire chinoise s’inscrit dans le contexte d’une stratégie de conquêtes des institutions onusiennes, ainsi que d’un fort intérêt de Pékin pour les questions agricoles et alimentaires.
M. Qu Dongyu, biologiste et vice-ministre de l’agriculture de Chine, âgé de 55 ans, a été élu dès le premier tour de scrutin, avec 108 voix, face à la candidate de la France et de l’Union européenne, Catherine Geslain-Lanéelle, qui a obtenu 71 votes, et le candidat géorgien, Davit Kirvalidze qui a en a reçu douze. « C’est une date historique, un nouveau tremplin » pour l’agriculture et l’alimentation dans le monde, a immédiatement réagi le nouvel élu, qui a promis de « tout faire pour être impartial et neutre ».
Il a aussi promis d’être « dans le concret » pour lutter contre la faim et la pauvreté dans le monde tout en soulignant qu’il fallait « réformer » et « transformer » l’agence onusienne pour en « faire une FAO nouvelle, plus jeune et plus dynamique ».
Associer davantage le secteur privé
Le nouveau dirigeant chinois de l’institution multilatérale, dont le mandat s’étalera sur quatre ans, du 1er août 2019 au 31 juillet 2023, succède au Brésilien José Graziano da Silva, qui a exercé deux mandats. Dans son discours samedi, M. Qu a proposé d’associer davantage le secteur privé aux décisions et d’attirer plus de moyens financiers venant du privé pour développer les secteurs agroalimentaires, notamment ceux des pays en développement.
Il a évoqué aussi bien des coordinations possibles avec le géant chinois de la distribution Ali Baba – cité deux fois dans son discours – qu’avec la fondation américaine Bill et Melinda Gates, très impliquée dans la recherche agronomique en Afrique notamment.
Après soixante-dix ans de politiques agricoles plutôt productivistes, la FAO, instance de débat et de pilotage des politiques alimentaires mondiales où siègent des représentants des gouvernements mais où sont aussi très présents des scientifiques et des agronomes, est agitée par des débats intenses sous le double effet du réchauffement climatique et de la hausse du nombre de personnes souffrant de faim dans le monde depuis 2015, alors que la population mondiale s’accroît.
« L’alimentation est une des priorités » de la Chine
Sous la houlette de M. Graziano da Silva, la FAO a amorcé un virage en faveur de méthodes agroécologiques. Faire appel à la nature pour à la fois combattre les effets du réchauffement climatique et augmenter les rendements agricoles, tout en limitant les pesticides de synthèse qui font vivre les géants de l’agrochimie.
« La Chine attache traditionnellement une grande importance aux questions économiques et sociales et aux affaires de développement à l’ONU. Mais l’alimentation est une de ses priorités. Dans ce contexte, alors que l’autre grande organisation du secteur – le Programme alimentaire mondial [PAM] – est de facto une chasse gardée américaine, la FAO est attractive pour la Chine », a jugé Manuel Lafont Rapnouil, analyste au Conseil européen des relations internationales (ECFR), dans une déclaration avant le vote.
« La Chine est aussi très soucieuse d’augmenter la présence de ses ressortissants dans les rangs des Nations unies, notamment dans les plus hauts postes », a ajouté l’analyste. Elle est notamment très active lors des élections pour la direction des agences, fonds et programmes.
Aujourd’hui, des Chinois se trouvent à la tête de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), de l’ONUDI (Organisation des nations unies pour le développement industriel) et de l’UIT (organisation internationale des télécommunications). Un Chinois, nommé par le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, dirige par ailleurs le département des affaires économiques et sociales de l’ONU.
La Chine avait également placé un de ses ressortissants, Meng Honwei, à la tête d’Interpol, avant que ce dernier ne disparaisse en septembre dernier lors d’un voyage en Chine où il a été accusé de corruption et a plaidé coupable lors de son procès.