Impôt sur le revenu, soyez vigilant : le prélèvement à la source ne simplifie pas toujours les choses
Impôt sur le revenu, soyez vigilant : le prélèvement à la source ne simplifie pas toujours les choses
LE MONDE ARGENT
Dans « Les intox fiscales », le cercle des fiscalistes fait l’inventaire des fausses vérités qui sont souvent mises en avant lorsqu’on parle d’impôt. L’idée que le prélèvement à la source simplifie la vie de tous les contribuables en est une.
Le passage à la retenue à la source ne va aucunement vous dispenser de s’intéresser à votre déclaration de revenus. / Pascal BROZE/Onoky / GraphicObsession
En 2019, 70 % des foyers fiscaux ont déclaré leurs revenus en ligne, soit 25 millions de foyers. Soit 2 millions de foyers de plus que l’année dernière. On est encore loin du tout numérique malgré la généralisation de la déclaration en ligne à l’ensemble des contribuables (l’année dernière cette obligation ne concernait que ceux dont les revenus étaient supérieurs à 15 000 euros).
Dès l’année prochaine, « près d’une douzaine de millions de contribuables – ceux qui n’ont rien à modifier à leur déclaration préremplie – n’auront plus rien à faire » a confirmé Gérald Darmanin le Ministre de l’action et des comptes publics.
Même si le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu permet aux contribuables de s’acquitter quasiment en temps réel de l’impôt sur leurs revenus courants, il ne les libère pas de toute formalité. Au contraire. Il s’agit d’une idée reçue – parmi d’autres – que dénonce le Cercle des fiscalistes dans un ouvrage publié aux Editions Francis Lefebvre « Les intox fiscales ». « Le passage à la retenue à la source ne va aucunement restreindre l’étendue des obligations déclaratives des contribuables », explique Jean-Yves Mercier, coauteur de l’ouvrage.
En effet, même pour ceux qui n’ont que des revenus préremplis déclarés par des tiers (employeurs, caisse de retraite…), le dépôt d’une déclaration restera toujours indispensable pour leur permettre de déclarer les charges qu’ils peuvent déduire de leurs revenus (pensions alimentaires, frais professionnels, cotisations versées sur un produit d’épargne retraite…) ou pour profiter des crédits et réductions d’impôt auxquels ils ont le droit : frais de garde des jeunes enfants, frais de scolarisation des collégiens, lycéens et étudiants, dons aux œuvres…
Pire, la mise en place du prélèvement à la source pourrait contraindre les contribuables à gérer leur impôt – ce qu’ils ne faisaient pas jusqu’à présent – s’ils ne veulent pas se retrouver avec des prélèvements trop élevés en cas de baisse significative de leurs revenus. Certes avec le prélèvement à la source, les retenues mensuelles sont censées s’adapter automatiquement aux variations de salaires, de pensions de retraite, d’allocations-chômage… Mais en cas de baisse significative – départ en retraite, chômage...- cette diminution ne sera sans doute pas suffisante du fait de la progressivité du barème de l’impôt. Car le taux appliqué restera le même au moins jusqu’en août de l’année suivante. Dans le meilleur des cas, il ne sera réactualisé que 9 mois après la baisse de revenus et dans le pire des cas, cette régularisation n’interviendra que 21 mois plus tard (baisse survenant en début d’année).
Par exemple, pour une personne partant en retraite en juillet 2019, ce n’est qu’à partir de septembre 2020, après le dépôt de la déclaration de revenus de 2019, que le taux du prélèvement pourra tenir compte, mais en partie seulement de la baisse de revenus, dans la mesure où la personne a continué à percevoir son salaire pendant 6 mois. Au final, ce n’est qu’à partir de septembre 2021 que son taux correspondra vraiment à sa nouvelle situation…
Pour éviter cela, il est possible de demander à moduler son taux à la baisse pour tenir compte de la chute de ses revenus. Mais attention, si le contribuable se trompe, il s’expose à une majoration si les prélèvements sont inférieurs de plus de 10 % à ce qu’ils auraient dû être. Or c’est là que le bât blesse. Car le contribuable doit faire face à de nombreuses incertitudes : celle liée à l’évolution de ses revenus professionnels, celle portant sur l’évolution de ses autres revenus (revenus fonciers par exemple) et « l’incertitude attachée aux niveaux des revenus de son conjoint. Or, et c’est là, le piège, l’insuffisance s’apprécie en considération du taux effectif imposition des revenus pris dans leur ensemble », explique Jean-Yves Mercier.