• Chiara Margarita Cozzolani
    Vespro

    I Gemelli, Emiliano Gonzalez Toro (ténor et direction)

Pochette de l’album « Vespro », par Emiliano Gonzalez-Toro et I Gemelli. / NAÏVE CLASSIQUE

Premier disque météorique, celui que le ténor Emiliano Gonzalez Toro, à la tête de son ensemble I Gemelli, consacre à une compositrice quasi inconnue. Chiara Margarita Cozzolani (1602- circa 1677), religieuse au couvent bénédictin de Sainte-Radegonde, à Milan, rejoint ainsi la cohorte des talentueuses Francesca Caccini ou Barbara Strozzi. Conçue sur le modèle des vêpres mariales (une succession de motets à une et deux voix et de psaumes à huit voix), cette musique, d’une indéniable maîtrise polyphonique et expressive, rayonne de ferveur, de sensualité et de délicatesse, entrelaçant pages intimistes et élans collectifs. Emiliano Gonzalez Toro en a peaufiné une instrumentation riche et colorée, s’entourant de chanteurs de haut vol – les sopranos Mathilde Etienne et Alicia Amo, le contre-ténor Paul-Antoine Bénos- Djian, la mezzo Natalie Pérez. S’il intercale entre Laetatus sum et Nisi dominus un précurseur Duo seraphim dû à la plume d’une bénédictine de Pavie, Caterina Assandra, un an avant celui des Vêpres de Monteverdi (1610), c’est pour mieux servir un art où amour sacré et lyrisme charnel se rejoignent. Marie-Aude Roux

1 CD Naïve Classique.

  • Heinz Holliger – György Kurtag
    Zwiegesprache
    Œuvres de Heinz Holliger et de Gyorgy Kurtag par Heinz Holliger (hautbois) et divers solistes. Textes de Philippe Jaccottet lus par lui-même

Pochette de l’album « Zwiegespräche », œuvres de Heinz Holliger et György Kurtag. / ECM NEW SERIES / UNIVERSAL MUSIC

Publié à l’occasion du 80e anniversaire de Heinz Holliger (né en 1939), ce disque, bien dans la manière édifiante du label ECM New Series, s’apparente à une variation infinie sur le thème de l’hommage. Gyorgy Kurtag (né en 1926) ne voit pas la musique autrement, qu’il s’agisse d’un salut amical ou d’une grave déploration. Miniaturistes hors pair, Kurtag et Holliger dialoguent ici à travers des œuvres caractéristiques de leur idéal. Le Hongrois dans une perspective souvent funèbre, et le Suisse dans une poésie contemplative. Ce dernier passe avec aisance du hautbois (dont il est le maître absolu dans le répertoire contemporain) au cor anglais, et il joue même au piano un morceau de Kurtag, pour la main gauche, simplement intitulé… Fur Heinz (« pour Heinz »). Tout est dit. Pierre Gervasoni

1 CD ECM New Series/Universal Music.

  • Peg Carrothers
    Beyond the Blue Horizon

Pochette de l’album « Beyond the Blue Horizon », de Peg Carrothers. / VISION FUGITIVE / L'AUTRE DISTRIBUTION

Voix rêveuse, avec un remarquable sens de la dramaturgie musicale, Peg Carrothers interprète dans son nouvel album, Beyond the Blue Horizon, une suite de ballades parfaitement choisies. Si des standards du jazz, nés dans les années 1920 à 1940 (Sweet and Lovely, Dream, de Johnny Mercer, dont chaque note est une goutte de rosée, Moonglow…), constituent la majorité de cet enregistrement, elle explore un répertoire plus récent, avec Right where It Belongs, de Trent Reznor, leader du groupe de rock metal expérimental Nine Inch Nails, et I’ll Stand by You, des Pretenders de Chrissie Hynde, ici dans une version superbe, toute de souffle expressif. Avec la chanteuse, son mari, le pianiste Bill Carrothers, qui signe Wait for Me, le contrebassiste Billy Peterson et le guitariste Dean Magraw, tous trois à envelopper finement la voix de Peg Carrothers d’un halo enchanteur. Sylvain Siclier

1 CD Vision fugitive/L’Autre Distribution.

  • The Black Keys
    Let’s Rock

Pochette de l’album « Let’s Rock », de The Black Keys. / EASY EYE SOUND / NONESUCH RECORDS

Terminé les années de brouilles, Dan Auerbach (voix, guitare) et Patrick Carney (batterie) ont enterré la hache de guerre. Le neuvième album des Black Keys, et successeur de Turn Blue (2014), est annoncé comme un retour à leur binôme rock viscéral. De fait, le producteur Danger Mouse, étroit collaborateur sur les deux précédents opus, dont le carton planétaire El Camino (2011), est absent des crédits. Auerbach et Carney, tous deux producteurs accomplis, s’en sont personnellement chargés dans leur studio de Nashville. Si effectivement les fondamentaux sont là et les ambiances soignées – guitares fuzz à profusion, la voix chaude d’Auerbach, cet irrésistible groove blues/R’n’B –, un sentiment de redite domine l’ensemble. Comme ce lascif Sit Around and Miss You qui lorgne un peu trop Stuck in the Middle With You de Stealers Wheel. Malgré quelques brûlots électriques (Go, Lo/Hi, Walk Across the Water), la décharge promise ne s’avère pas suffisante pour faire sauter les fusibles. Franck Colombani

1 CD Easy Eye Sound/Nonesuch Records.

  • The Raconteurs
    Help Us Stranger

Pochette de l’album « Help Us Stranger », de The Raconteurs. / THIRD MAN / PIAS

Alors que, en solo, Jack White tâtonnait récemment dans l’expérimentation (Boarding House Reach, en 2018), la réunion des Raconteurs, le quatuor avec lequel l’ancien White Stripes n’avait plus enregistré depuis onze ans (Consolers of the Lonely), lui a redonné des envies de chansons puissamment instantanées. Fruit de la complicité de deux copains de Détroit, White et le chanteur-guitariste Brendan Benson, aux tempéraments musicaux contrastés – la rudesse blues rock garage du premier électrisant les mélodies power pop du second –, le groupe continue de balancer entre ces deux pôles. Aiguisé par une science percutante du son analogique, ce troisième album alterne assez brillamment hymnes tranchants (Bored and Razed), voire hystériques (Don’t Bother Me), et ballades d’une tendresse musclée (Only Child, Now That You’re Gone, le splendide final « zeppelinesque » de Thoughts and Prayers) ou épicée d’une touche baroque (le piano de Shine the Light on Me). Même si quelques titres (Sunday Driver, Live a Lie) s’enlisent dans l’exercice de style classic rock. Stéphane Davet

1 CD Third Man/PIAS.

  • Emile Vacher, créateur de la Valse Musette et de la Java

Pochette de l’album « Emile Vacher, créateur de la Valse Musette et de la Java ». / 46EDITIONS / L’AUTRE DISTRIBUTION

C’est du musette à l’état brut, sans fioritures ni effets spéciaux, donc juste de la légèreté, des rires et gazouillis d’accordéon pour guincher. Il faut un certain culot pour réaliser, en ces temps de vache (très) maigre pour le disque, un double CD de 50 titres d’accordéon musette. Philippe Krümm, journaliste fondateur du site www.5planetes.com, n’en manque pas. A l’origine de ce travail éditorial soigné (photos, livret de soixante pages) dédié à Emile Vacher, pionnier et père du musette, né à Tours en 1883, disparu il y a cinquante ans, il est allé jusqu’à imaginer une interview avec le musicien, fabriquée à partir de lectures des journaux d’époque et de longues discussions avec Mado, sa femme, décédée en 1994. Emile Vacher lui avait dédié une valse (Mado) qu’il joua la première fois le jour de son mariage, mais à ses amis : la belle lui avait fait faux bond. Le mariage serait finalement célébré sept ans plus tard. Patrick Labesse

2 CD 46Editions/L’Autre Distribution. Egalement 1 vinyle avec 15 titres inédits, ilustré par Robert Crumb.