« 100 artistes dans la ville », un jeu de piste à ciel ouvert dans Montpellier
« 100 artistes dans la ville », un jeu de piste à ciel ouvert dans Montpellier
Par Emmanuelle Lequeux, Philippe Dagen
Dans la cité héraultaise, pour toucher le public en masse, cent œuvres d’artistes contemporains sont installées dans la rue, jusqu’au 28 juillet, dans le cadre de la 13e édition de la Zone artistique temporaire. Toute la ville s’est mise au diapason, ou presque.
Les statues de Nils Alix-Tabeling sont installées square Planchon dans le cadre de la manifestation « 100 artistes dans la ville » (jusqu’au 28 juillet). / MARC DOMAGE
C’était en 1970, du 5 au 20 mai. En ce temps-là, il y avait encore des groupes sur le modèle des avant-gardes historiques, et ils organisaient des manifestations collectives. A Montpellier, quatre artistes – Tjeerd Alkema, Jean Azémard, Vincent Bioulès et Alain Clément – avaient fondé ABC Productions en 1969 et décidé de transformer l’espace public en lieu d’exposition pour le plus grand nombre, pour celles et ceux qui n’allaient pas au musée mais qui passaient par la place de la Comédie, le square de Palavas ou les environs de la gare. Parmi les invités : Christian Boltanski, Marc Devade, Noël Dolla, Annette Messager, Jean-Pierre Pincemin, Sarkis, Ben Vautier ou Claude Viallat. La manifestation s’appelle « 100 artistes dans la ville ». La première exposition du groupe Supports/Surfaces – nom trouvé par Bioulès – a lieu trois mois plus tard.
Aujourd’hui, ce dernier est le sujet d’une rétrospective de grande ampleur au Musée Fabre, et il y a de nouveau 100 artistes dans la ville, invités non plus par leurs pairs mais par les institutions, à l’occasion de l’ouverture du Mo.Co. Il y a donc 100 œuvres, à chercher principalement dans le centre historique de la ville, de la gare, au sud, à l’Ecole des beaux-arts, au nord, en passant par les alentours du Mo.Co, de La Panacée et du Musée Fabre. Il est prudent de se munir du dépliant à fond vert fluo produit par l’organisation pour composer son itinéraire et ne rien manquer.
Parmi les interventions, certaines sont des reprises d’œuvres bien connues – les enseignes de néon atteintes de tremblote de Franck Scurti, le Jardin suspendu en sacs de sable de Mona Hatoum. D’autres sont des commandes de la ville, passées à Abdelkader Benchamma, Dominique Figarella et Lili Reynaud Dewar. Mais il a suffi de quelques jours pour que l’œuvre murale de Figarella, Le Triomphe de Gilgamesh, soit recouverte de graffitis et que la statue de Reynaud Dewar soit vandalisée et décapitée. Parce que ce moulage du corps de l’artiste en aluminium la montre en figure androgyne ?
Si elle n’était placée à l’intérieur de l’apothicairerie de la Miséricorde, on craindrait le même sort pour le Veau d’or, de Yann Dumoget, dans lequel il n’est pas difficile de déceler une satire du mercantilisme généralisé ou, tout à côté, dans la chapelle de la Miséricorde, la molécule géante façon boule à facettes de Jeanne Susplugas : psychotropes ou manipulations génétiques ? Ou, si elle n’était dans une cour du Musée Fabre, pour la reprise électrifiée et pixélisée du célèbre Bonjour Monsieur Courbet, l’une des gloires du musée, par Ei Arakawa. Autre œuvre parfaitement à sa place : les quatre planches de surf amollies, percées et tordues de Sylvain Grout et Yann Mazéas dans un grand magasin de vêtements, comme autant de dérisions du culte du corps et du sport. Ou, dans la fontaine de l’esplanade Charles-de-Gaulle, le groupe de sculptures de Gloria Friedmann. Le titre – Oiseaux de paradis – est trompeur : il y a bien des têtes d’oiseaux en latex vivement colorées, mais elles sont portées par des squelettes de métal, danse burlesque et macabre à la fois.
Bar à chicha, magasin de bonneterie, tour astronomique… Toute la ville joue le jeu. Dans les marchés, Bruno Serralongue a disposé les éditions du journal qu’il a conçu avec le club photo des cheminots ; dans les vitrines d’un Monoprix, Clémentine Mélois a imaginé sa drôle de bibliothèque idéale, tout en détournement de titres, du « Crépuscule des idoles des jeunes », d’après Nietzsche, à « Maudit Bic », d’après Herman Melville. Les artistes, qui ont, pour la moitié d’entre eux, un lien avec la ville, composent ainsi un jeu de piste à ciel ouvert.
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Mo.Co.
Le Mo.Co en pratique
MoCo Hôtel des collections, 13, rue de la République. Tél. : 04-34-88-79-79, Moco.art. Du mardi au dimanche, de 12 heures à 19 heures, jusqu’à 22 heures de juin à août. Exposition « Distance Intime. Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa », du 29 juin au 29 septembre. Entrée : 8 €, tarif réduit : 5 €, gratuit -18 ans. Entrée gratuite les 29 et 30 juin.
MoCo Panacée, 14, rue de l’Ecole de pharmacie. Tél. : 04-34-88-79-79. Du mercredi au dimanche, de 12 heures à 19 heures, jusqu’à 20 heures de juin à août. Exposition « La Rue. Où le monde se crée », jusqu’au 18 août. Accès libre.
MoCo ESBA (Ecole supérieure des beaux-arts), 130, rue Yéhudi-Ménuhin. Tél. : 04-99-58-32-85.
Exposition « 100 artistes dans la ville » (13e édition de Zone artistique temporaire), jusqu’au 28 juillet dans le centre-ville historique de Montpellier. Parcours en accès libre, à retrouver sur Zat.montpellier.fr