Sauf surprise, les sénateurs devraient voter, mardi 2 juillet, la proposition de loi de la députée du Val-de-Marne Maud Petit (MoDem) interdisant les « violences éducatives ordinaires ». Soit l’éradication de toute pratique éducative « basée sur la peur, la douleur et la sidération de l’enfant », selon le médecin généraliste Gilles Lazimi, à la pointe du combat contre les violences éducatives ordinaires.

Il aura fallu près d’un an et demi, et bien des moqueries, pour en arriver à l’adoption de ce que certains qualifient de loi anti-fessée. Dans sa dernière version, après son passage en commission des lois au Sénat le 26 juin, qui l’a adopté sans déposer aucun amendement, le texte contient désormais trois articles :

  • Le premier concerne la définition de l’autorité parentale, telle que caractérisée dans l’article 371 du code civil, en précisant désormais qu’elle « s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
  • Le deuxième introduit « la prévention des violences éducatives ordinaires » dans le code de l’action sociale et des familles, en créant une obligation de formation pour les assistantes maternelles.
  • Le troisième article prévoit la remise d’un état des lieux sur la question par le gouvernement, à une date initialement fixée au 1er septembre 2019 (et qui devrait être modifiée compte tenu des délais).

Quelle sera la portée d’un tel texte, éminemment symbolique ? C’est un « moment historique, qui prouve que les enfants ont des droits et pas des mini-droits », estime Gilles Lazimi, coordinateur des campagnes pour cette cause initiée par la Fondation pour l’enfance et Stop VEO, Enfance sans violences. Dans les rangs de ses partisans, on souligne que son adoption permet aussi à la France de se mettre en adéquation avec la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée en 1990.

« A l’aube d’un travail énorme »

Pour ses détracteurs, qu’on trouve principalement dans les rangs de la droite et de l’extrême droite, il s’agit au contraire d’une intrusion intolérable dans la vie privée des familles. C’est notamment ce qu’avait exprimé en première lecture la députée de l’Hérault Emmanuelle Ménard, apparentée Rassemblement national, la seule qui avait voté contre. « On pourrait opposer le même argument à tous les textes luttant contre les violences, comme les violences conjugales par exemple », répond Maud Petit. « Je crois au contraire que la loi doit protéger les plus faibles, en l’occurrence les enfants. »

Après promulgation, le premier article de la loi sera notamment lu lors des cérémonies de mariage. Le texte n’est assorti d’aucune sanction pénale nouvelle, la maltraitance des enfants étant déjà punie de peines pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison. Mais il signe la fin du droit de correction, hérité du XIXe siècle et qui est encore invoqué dans la jurisprudence. « On me renvoie qu’il ne s’agit que d’un texte symbolique, parce qu’il est éducatif. Mais je crois au contraire qu’on est à l’aube d’un travail énorme pour expliquer aux parents comment éduquer les enfants sans les humilier et les violenter », considère Maud Petit.

La députée, dont le texte a reçu le soutien du secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, Adrien Taquet, souhaite « mener une mission, six mois après le vote, pour vérifier l’application de la loi sur le terrain ». Mais d’ores et déjà, elle savoure « l’émotion » que la France devienne le 56e pays au monde à interdire les châtiments corporels.