Bernard Tapie, le 4 avril 2019. / BERTRAND GUAY / AFP

Plus de dix ans après l’arbitrage controversé ayant octroyé 403 millions d’euros à Bernard Tapie pour régler son litige face au Crédit Lyonnais, l’homme d’affaires a été relaxé, mardi 9 juillet, tandis qu’il était jugé par le tribunal correctionnel de Paris pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics ». Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, jugé pour complicité d’escroquerie, a lui aussi été relaxé, de même que l’avocat de Bernard Tapie, Maurice Lantourne, et le haut magistrat impliqué dans l’arbitrage, Pierre Estoup.

Le tribunal n’a pas suivi les réquisitions du parquet de Paris, qui, le 1er avril, avait demandé une peine de cinq ans de prison ferme contre M. Tapie.

En juillet 2008, M. Tapie avait obtenu la somme inédite de 45 millions d’euros, au seul titre du préjudice moral, en réparation d’une « faute » du Crédit lyonnais lors de la revente de l’équipementier sportif Adidas. Cette sentence rendue par un tribunal arbitral privé aurait dû être l’épilogue d’un titanesque contentieux entre l’homme d’affaires et l’ex-banque publique, qu’il accuse depuis vingt-cinq ans de l’avoir floué.

Mais la sentence a été définitivement annulée en 2015 au civil pour « fraude » et Bernard Tapie – en faillite personnelle depuis décembre 1994 – a été condamné à restituer les millions perçus, dont le montant et les délais de remboursement sont encore débattus.

Cette peine ne confirme donc pas l’analyse du ministère public, pour qui Tapie a « truqué » l’arbitrage, en activant ses soutiens à l’Elysée pour que le pouvoir sarkozyste choisisse la voie arbitrale au lieu de la justice ordinaire, puis en s’assurant de la « partialité » d’un des juges arbitres, qui entretenait des « liens anciens et réguliers » avec son avocat historique Maurice Lantourne. « A la solde » du duo, le haut magistrat Pierre Estoup, principal rédacteur de la sentence, avait « abusé » ses deux co-arbitres, ont également estimé les représentants du parquet. Ils ont réclamé une peine « symbolique » de trois ans d’emprisonnement ferme contre M. Estoup, 92 ans et absent au procès pour raisons médicales, et trois ans avec sursis contre Me Lantourne.

Stéphane Richard également relaxé

Des peines de trois ans de prison dont 18 mois ferme, 100 000 euros d’amende et une interdiction de la fonction publique pendant cinq ans avaient été demandées contre deux ex-hauts fonctionnaires, l’actuel PDG d’Orange Stéphane Richard et l’ancien dirigeant du Consortium de réalisation (CDR), chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais. M. Richard, 57 ans, jouait son avenir à la tête de l’opérateur télécom : en cas de condamnation, il devra démissionner, avait prévenu le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, en janvier 2018.

L’accusation reproche à l’ex-directeur de cabinet de Mme Lagarde d’avoir fait une « présentation tronquée » du litige à sa ministre pour permettre l’entrée en arbitrage et de lui avoir tu la présence de l’homme d’affaires lors d’une réunion cruciale à l’Elysée.

« Il n’a rien dissimulé » à Mme Lagarde, avaient insisté les avocats du patron d’Orange, brocardant la « thèse complotiste » de l’accusation dont la base serait un « pacte implicite » conclu entre Nicolas Sarkozy, élu en 2007, et son soutien politique M. Tapie.

Christine Lagarde, la future présidente de la Banque centrale européenne (BCE), avait été, elle, été condamnée fin 2016 pour « négligence » pour ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage quand elle était ministre de l’Economie. La Cour de justice de la République l’avait toutefois dispensée de peine.