Destruction de stocks d’ivoire à Nairobi, au Kenya, en avril 2016. / CARL DE SOUZA / AFP

La France dénonce les « résistances » de l’Union européenne (UE) à interdire totalement le commerce de l’ivoire lors de la prochaine Conférence des Nations unies sur les espèces menacées en août à Genève, a dénoncé mardi 9 juillet son délégué. Selon Yann Wehrling, ambassadeur de France à l’environnement, qui conduira la délégation française à la réunion de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), « l’Europe votera contre les motions déposées par les pays africains pour réclamer un retour à l’interdiction totale de ce commerce ».

Malgré des opinions publiques favorables à la protection des éléphants, massivement ciblés par le braconnage, « il y a de vraies résistances en Europe à fermer le marché de l’ivoire », a-t-il affirmé. La position communautaire a été adoptée à huis clos en conseil des ministres de l’environnement des Vingt-Huit. Le Parlement européen n’est ni consulté ni appelé à s’exprimer sur le sujet.

Seuls cinq des vingt-huit Etats membres prohibent ce commerce, précise-t-il : la France (depuis 2016), le Luxembourg, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique. Les Etats-Unis (juin 2016) et la Chine (fin 2017), principal marché pour l’or blanc des éléphants, ont pourtant également fermé leur marché à l’ivoire.

Un trafic estimé à 17 milliards d’euros

M. Wehrling rappelle qu’un « quart des éléphants d’Afrique ont été abattus au cours de la décennie écoulée ». Environ 30 000 pachydermes, chassés pour leurs défenses, ont été tués durant cette période sur une population totale estimée à moins d’un demi-million. Le trafic, évalué à 20 milliards de dollars par an (quelque 17 milliards d’euros), selon la Cites, est le quatrième commerce illégal le plus lucratif après les armes, la contrefaçon et les êtres humains. Les éléphants, avec les rhinocéros, sont les premiers visés.

« Au-delà des éléphants et de l’ivoire, on sait que la contrebande profite aux réseaux criminels et à certains réseaux terroristes », martèle M. Wehrling, qui regrette les « réticences » de l’UE sur le sujet. Quatre motions, déposées par une trentaine de pays d’Afrique, seront présentées lors de la Cites (du 17 au 25 août) visant à réinscrire les éléphants à l’annexe 1 de la Convention, qui signifie « interdiction totale » de commerce.

Les pachydermes qui s’y trouvaient en 1989 ont été en partie repassés en 1997 à l’annexe 2 (commerce encadré) pour ceux d’Afrique australe dont les populations étaient jugées suffisamment robustes. « Mais, depuis, le braconnage a repris à grande échelle : il n’y a pire situation que de répartir une même espèce entre deux annexes », sous deux régimes différents, insiste Yann Wehrling, pour qui la seule urgence est de « maintenir un engagement très fort de protection ».