Le Tour de France à la voile ou l’apprentissage du haut niveau
Le Tour de France à la voile ou l’apprentissage du haut niveau
Par Véronique Malécot
Sur le Diam 24 engagé sous les couleurs d’Oman, l’un des trois équipages 100 % féminins, deux Françaises « coachent » trois Omanaises novices à ce niveau.
L’équipage omainais « Sailing Arabia The Tour » est engagé dans le Tour Voile 2019. De gauche à droite, Audrey Ogereau, Maëlenn Lemaitre, Ibtisam Al Salmi, Marwa Al Khaifi et Tamadher Al Balushi. / Alexander Champy-McLean / ASO / Alexander Champy-McLean / ASO
Elles sont cinq à se relayer à bord. Deux Françaises, trois Omanaises. Et si, sur leur Sailing Arabia The Tour, elles naviguent parfois à quelques milles des autres équipages, elles n’en prennent pas trop ombrage. Sur le Tour de France à la voile, qui s’est élancé de Dunkerque, vendredi 5 juillet, les cinq jeunes femmes ne cachent pas qu’elles sont avant tout là pour progresser. Avec un objectif malgré tout : finir deuxièmes du classement mixte, créé cette année par Amaury Sport Organisation, l’organisateur de l’épreuve, pour les équipages embarquant au moins une femme. Cette année, deux autres équipages sont exclusivement féminins : Helvetia Purple by Normandy Elite Team et La Boulangère.
« Deuxièmes, ça serait déjà très bien », explique Audrey Ogereau. « L’équipage de “La Boulangère” est nettement meilleur que nous, ce sont les favorites » dans cette catégorie mixte où concourent quatre équipes, poursuit cette spécialiste multicoque, qui, avec Maëlenn Lemaitre, championne du monde de match racing (affrontement sous forme de duel, par opposition à la régate en flotte) en 2018, est aux commandes de Sailing Arabia The Tour.
Sur ce Diam 24, engagé sous les couleurs du projet Oman Sail, une organisation qui promeut le pays dans le monde à travers la voile, les deux Françaises « coachent » trois Omanaises : Ibtisam Al Salmi (28 ans), Marwa Al Kaifi (25 ans) et Tamadher Al Balushi (34 ans). Ces dernières « se relaient à bord pour découvrir le haut niveau », explique David Graham, président d’Oman Sail, soulignant que, si elles « naviguent ensemble depuis plusieurs années, sur divers supports, c’est la première fois qu’elles s’attaquent à une montagne comme le Tour Voile ».
Des salles de sport au grand large
Il faut dire que rien ne prédestinait ces trois jeunes femmes à la compétition nautique. Issue d’une famille aisée traditionaliste, Ibtisam Al Salmi achève des études de tourisme lorsqu’elle découvre la voile lors du passage des Extreme Sailing Series à Oman. Elle s’inscrit alors au programme d’Oman Sail et est sélectionnée parmi une trentaine de jeunes filles pour intégrer une équipe. Marwa Al Kaifi et Tamadher Al Balushi viennent d’un milieu plus modeste et plus progressiste. Elles pratiquent de nombreux sports, dont l’athlétisme en salle. Elles désirent découvrir quelque chose de différent, sortir des salles de sport et le projet Oman Sail, qu’elles intègrent en 2014, est une opportunité.
Le circuit Diam 24, avec en point d’orgue le Tour de France à la voile, offre aux équipages l’opportunité de s’entraîner et d’acquérir de l’expérience pour atteindre le haut niveau. C’est ainsi qu’Oman Sail a lancé, en septembre 2018, l’aventure d’un équipage 100 % féminin. Le marin français Franck Cammas, dont la société gère les activités européennes de l’organisation omanaise, a alors recruté Audrey Ogereau et Maëlenn Lemaitre pour intégrer l’équipe et former les navigatrices omanaises.
Depuis, Françaises et Omanaises ont navigué une semaine par mois à Oman, au centre d’entraînement d’Al Musanah, à quarante minutes en voiture de Mascate, la capitale. Sur place, elles se sont entraînées avec les autres équipages de Diam 24 d’Oman Sail : un équipage composé exclusivement de marins omanais et deux équipages internationaux intégrant un Omanais et skippés respectivement par le Britannique Stevie Morrison et le Français Pierre Pennec.
« C’est un sacré défi », relèvent les deux navigatrices françaises, qui, si elles disent bien s’entendre avec leurs coéquipières, reconnaissent qu’elles n’ont pas toujours le même niveau d’exigence. « Parfois, elles ont l’impression d’avoir tout donné, mais nous, nous savons qu’il faut donner encore plus pour progresser. »
La communication, un casse-tête
Autre difficulté : la communication. Si l’anglais est la langue à bord, il est parfois difficile de ne pas revenir au français ou à l’arabe. Un point tout à fait normal pour Thierry Douillard, leur entraîneur : « Quand il faut parler de tactique, c’est beaucoup plus facile pour Maelenn de parler en français avec Audrey ». « En tout cas c’est un très bon exemple de management, qui nous servira pour plus tard », avouent Audrey Ogereau et Maëlenn Lemaitre, faisant référence à leurs études en école d’ingénieurs.
Dans l’immédiat, les deux Françaises reconnaissent que, malgré leur stage mensuel, leur équipage manque d’entraînement – et de repères également – par rapport à d’autres équipages professionnels. Ce qui s’est traduit par des résultats en dent de scie lors des régates de début de saison. Le Tour de France, en leur permettant certains jours de faire de belles régates en jouant parmi les meilleurs, pourrait leur faire franchir un palier. Notamment si elles tiennent leur objectif d’une deuxième place au classement mixte. Réponse le 21 juillet à Nice.