Meurtre de Sarah Halimi : les juges d’instruction estiment « plausible » l’irresponsabilité pénale du suspect
Meurtre de Sarah Halimi : les juges d’instruction estiment « plausible » l’irresponsabilité pénale du suspect
Le Monde.fr avec AFP
Cette perspective fait redouter aux parties civiles que le suspect, Kobili Traoré, bénéficie d’un non-lieu et ne soit donc pas jugé.
Les juges d’instruction en charge de l’enquête sur le meurtre de la sexagénaire juive Sarah Halimi en 2017 à Paris estiment qu’il y a des « raisons plausibles » de conclure à l’irresponsabilité pénale du suspect, ont affirmé des sources judiciaires vendredi 12 juillet. Comme le prévoit la procédure, les juges ont saisi la chambre de l’instruction, qui devra apprécier les « suites médicales et juridiques » à donner à ce dossier, a expliqué une source proche du dossier.
Cette perspective fait désormais redouter aux parties civiles que le suspect Kobili Traoré bénéficie d’un non-lieu et ne soit donc pas jugé, alors que le parquet de Paris avait réclamé son renvoi devant une cour d’assises pour « homicide volontaire » à caractère antisémite. « Le parquet analyse cette ordonnance afin de déterminer s’il fait ou non appel », a-t-il fait savoir dans la soirée.
Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017 à Paris, Kobili Traoré, pris d’une « bouffée délirante », selon les experts, s’était introduit chez sa voisine Lucie Attal – aussi appelée Sarah Halimi – au troisième étage d’un immeuble HLM du quartier populaire de Belleville, après avoir traversé l’appartement d’autres voisins. Aux cris d’« Allah Akbar », entrecoupés d’insultes et de versets du Coran, ce jeune musulman l’avait rouée de coups sur son balcon avant de la précipiter dans la cour.
« Bouffée délirante »
Trois expertises psychiatriques réalisées au cours de l’enquête concordent pour dire que le jeune homme, sans antécédent psychiatrique, ne souffre pas de maladie mentale mais qu’il a agi lors d’une « bouffée délirante » provoquée par une forte consommation de cannabis. Elles divergent cependant sur la question de l’abolition ou de l’altération de son discernement.
Dans leur ordonnance, révélée par Le Parisien, les juges estiment finalement qu’il y a des « raisons plausibles » de conclure à l’abolition du discernement de Kobili Traoré au moment des faits, autrement dit à son irresponsabilité pénale. Ils écartent également « la circonstance aggravante du caractère antisémite » du meurtre, selon une source proche du dossier.
« Je ne suis nullement étonné par la décision des juges puisque c’est la procédure d’instruction la plus erratique qui m’a été donnée de connaître », a dénoncé l’avocat du beau-frère de la victime, Me Gilles-William Goldnadel. Me Francis Szpiner, avocat avec Me Caroline Toby des enfants de Mme Halimi, réclame pour sa part un « débat contradictoire » devant la cour d’assises.
Cette affaire avait relancé le débat sur l’antisémitisme dans certains quartiers populaires sous l’effet d’un islam identitaire, controverse qui sera ravivée un an plus tard par le meurtre d’une octogénaire juive à Paris, Mireille Knoll.