Au Zimbabwe en crise, des cliniques gratuites au secours d’une population aux abois
Au Zimbabwe en crise, des cliniques gratuites au secours d’une population aux abois
Le Monde.fr avec AFP
Le pays, économiquement exsangue, a vu son taux de chômage atteindre les 90 %. La tuberculose et le sida y font des ravages.
Devant la polyclinique Rutsanana, dans le township de Harare, le 24 juin 2019. / JEKESAI NJIKIZANA / AFP
Blessing Chingwaru l’a échappé belle. Atteint de tuberculose, ce jeune Zimbabwéen n’a eu la vie sauve que parce qu’il a pu être soigné dans l’un des rares centres de santé du pays qui offrent des soins gratuits à la population pauvre.
En février, il s’est présenté à l’hôpital de son quartier de Glen Norah, en banlieue de la capitale Harare, en se plaignant de douleurs de poitrine et de fatigue. « Ma santé se dégradait et je ne savais pas pourquoi », se souvient Blessing Chingwaru, 29 ans. Le diagnostic des médecins de la polyclinique Rutsanana est immédiat et sans appel. Il présente tous les symptômes d’une tuberculose à un stade déjà bien avancé : son poids ne dépasse pas 37 kg.
Immédiatement pris en charge, le patient a aujourd’hui repris des couleurs et du poids. « Je pèse 52 kg », annonce-t-il en levant ses poings serrés pour témoigner de sa vigueur retrouvée, « le service ici est très bien ». Blessing Chingwaru le sait, il a eu beaucoup de chance.
Le Zimbabwe est englué depuis deux décennies dans une crise économique et financière catastrophique qui n’a pas épargné son système de santé publique.
90 % de personnes au chômage
Sous-payés, sous-équipés, les médecins ont raccroché leurs stéthoscopes à plusieurs reprises ces derniers mois, notamment pour exiger des salaires décents en devise forte. Quant aux patients, ils sont contraints, même dans les hôpitaux d’Etat, de payer de leur poche leur traitement. Dans un pays où 90 % de la population pointe au chômage, autant dire que peu d’entre eux en ont les moyens.
Au milieu de cet ordinaire de précarité, la polyclinique de Rutsanana fait figure d’exception. Grâce à l’aide de l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, elle soigne gratuitement. Et sauve des vies.
« J’ai ici tout ce dont j’ai besoin, s’étonne Blessing Chingwaru. On m’a dit que je pouvais venir dès que j’avais mal ». « Imaginez qu’on doive payer tous ces services, alors que la vie est si dure pour tant d’entre nous », renchérit une autre patiente, Charlene Masanga, 28 ans.
Une infirmière de la polyclinique Rutsanana, à Harare, capitale du Zimbabwe, fin juin 2019. / JEKESAI NJIKIZANA / AFP
Initialement prévu pour les seuls habitants du quartier de Glen Norah, l’établissement accueille aujourd’hui des patients qui habitent jusqu’à 25 km de là et « couvre » une population totale de plus de 80 000 personnes.
Ils viennent y chercher la gratuité des soins, bien sûr, mais profitent aussi de la polyvalence de l’établissement.
« Au lieu d’être traités pour un diabète dans une clinique et pour la tuberculose dans une autre, les patients bénéficient de tous les traitements en un seul endroit, ça réduit les coûts », explique le Dr Sithabiso Dube, de l’Union.
Le programme pilote financé par l’organisation internationale portait sur dix établissements, un dans chacune des dix provinces du Zimbabwe. Il devrait à terme en compter 46 grâce à des fonds complémentaires de la Fondation mondiale du diabète, du Fonds mondial contre le sida, et du gouvernement.
Double diagnostic
Selon ceux qui y participent, ce programme a rapidement porté ses premiers fruits en termes de prévention. L’infirmière en chef de la polyclinique Rutsanana, Angela Chikondo, se félicite de l’efficacité du double diagnostic simultané et assure qu’il a déjà permis de réduire les complications dont souffrent les patients tuberculeux et diabétiques.
« Nous avons remarqué que les patients atteints de tuberculose chez qui un diabète n’a pas été diagnostiqué ont beaucoup plus de mal à guérir que ceux chez qui le diabète a été détecté », relève Mme Chikondo.
« De même, les patients diabétiques ont des défenses immunitaires affaiblies et, s’ils contractent une tuberculose non détectée, leur risque de décès est plus élevé », ajoute-t-elle.
Le vice-ministre zimbabwéen de la santé, le Dr Charles Sandy, est lui aussi convaincu de l’efficacité du système. « Cette approche intégrée des traitements nous permet de mieux soigner les deux maladies, souligne-t-il. Nos résultats sont bons, la tuberculose recule dans la population, notamment parmi les malades du sida. »
Même s’ils ont nettement reculé depuis les années 2000, les taux de prévalence du sida et de la tuberculose au Zimbabwe restent parmi les plus élevés de la planète. Le premier atteint 13,3 % de sa population adulte, soit plus d’un million de personnes, et le second 278 cas sur 100 000.