« Les Routes de l’impossible : Namibie, le chaudron du diable » : dans l’« enfer au beau visage »
« Les Routes de l’impossible : Namibie, le chaudron du diable » : dans l’« enfer au beau visage »
Par Catherine Pacary
Nicolas Cotto et Julien Boluen partent à la rencontre d’hommes et de femmes, qui font face à une grave sécheresse avec débrouillardise et philosophie.
Si l’épisode des « Routes de l’impossible » du vendredi 9 août, consacré à la Namibie, n’est pas le plus haletant de la série – on ne tremble pas en suivant un camion en difficulté au bord d’un ravin –, il est certainement l’un des plus humains. Un des plus heureux également, ce qui peut paraître paradoxal lorsque l’on entend égrener les épreuves rencontrées par cette population d’Afrique australe, qui subit une sécheresse exceptionnelle depuis sept ans et dont un tiers ne mange pas à sa faim.
« Jamais l’enfer n’aura pris si beau visage », résume la voix off sur des images effectivement magnifiques du Namib, désert le plus vieux du monde. Aux conditions climatiques extrêmes s’ajoute un lourd passé colonial. Sous protectorat allemand en 1884, la rébellion des Ovambo et des Herero a été matée par le premier génocide de l’histoire moderne – le « Tuez-les tous », du général von Trotha. Jusqu’à ce que l’Afrique du Sud, aux ordres du Royaume-Uni, obtienne en 1914 la reddition allemande. La Namibie n’est ainsi indépendante que depuis 1990. Est-ce cette jeunesse démocratique qui insuffle une brise d’optimisme sur les personnages rencontrés, tous plus pittoresques et débrouillards les uns que les autres ?
La trentaine, blanc et un peu barbu, Dzerki et son chien traversent les dunes mouvantes au volant d’un « combi » Volkswagen jaune de 1972 et avec 900 000 km au compteur. Lorsqu’une suspension lâche par plus de 45 degrés, l’animal se réfugie sous la caisse. Deux heures plus tard, rien n’est réparé. Pourtant Dzerki repart, sans suspension, et en sifflotant, sûr de trouver au bout de la route l’oasis dont il rêve.
D’autres femmes, en costume traditionnel, c’est-à-dire très peu vêtues, s’approvisionnent… à la supérette d’Opuwo (Namibie). / TONY COMITI PRODUCTIONS
Trouver de l’eau
Dans ce « chaudron du diable », surnom de la Namibie, trouver de l’eau est le seul but d’une majorité d’habitants. Jimmy transporte ainsi 500 litres d’eau sale dans des jerricans sans bouchons d’où dépasse une tête de batracien, le tout à l’arrière d’un pick-up Nissan hors d’âge, sans freins et bientôt sans moteur. Contre toute attente, Jimmy réussit ainsi à approvisionner en eau des dizaines de familles, et réitère ce miracle assez régulièrement pour leur permettre de continuer à vivre sur leur terre. « Leur philosophie est de ne jamais s’énerver », explique le film.
Les femmes himba vont, elles, chercher l’eau à pied. Une heure aller, une heure retour – environ. « On ne compte pas. On met un pied devant l’autre. Quand on est arrivé, on s’arrête. » Implacable. D’autres, en costume traditionnel, c’est-à-dire très peu vêtues, s’approvisionnent… à la supérette d’Opuwo, à deux heures de leur village en taxi-brousse. Ce qui donne lieu à des scènes plutôt cocasses.
Sur les rares routes namibiennes, un autre taxi-brousse conduit deux femmes herero et deux himba à l’enterrement d’un grand chef. Là encore, la scène semble sortie du temps et de la réalité. Les Himba enduites d’onguent ocre portent un simple collier sous les seins, alors que les Herero sont habillées comme les femmes de colons allemands du XIXe siècle, avec robes longues et galette rouge sur la tête – pour rappel, il fait 45 degrés. Elles mettront dix heures pour parcourir 90 kilomètres, ce qui leur laissera le temps de papoter chiffon, shopping… sur des dialogues qu’aucun Audiard n’aurait osé imaginer. Et même si Escartofine n’arrête pas de râler, « cela n’entame pas leur joie de vivre. » Jusqu’à quand ?
Les Routes de l’impossible : Namibie, le chaudron du diable, documentaire de Nicolas Cotto et Julien Boluen (Fr., 2019, 50 min). En replay sur France.tv.