La chute d’Aquilino Morelle, le conseiller politique de Hollande
La chute d'Aquilino Morelle, le conseiller politique de Hollande
David Revault d'Allonnes, Thomas Wieder
Récit. Des informations faisant d'état d'un conflit d'intérêts alors qu'il était en poste à l'IGAS ont poussé Aquilino Morelle à la démission.
François Hollande : "Aquilino Morelle a pris la seule décision qui convienne"
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BFMTV
Comme un avion frappé par un missile en plein décollage. Les informations du site Mediapart sur un possible conflit d'intérêts alors qu'il était en poste à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont poussé Aquilino Morelle à annoncer sa démission, vendredi 18 avril, en milieu de journée.
L'Elysée n'a pas donné plus de précisions, mais le verdict n'a pas tardé : 24 heures après la publication des révélations de Mediapart, la démission de M. Morelle met fin à deux ans d'un parcours contrasté à l'Elysée.
Après avoir paru en disgrâce pendant plusieurs mois au Palais, où le chef de l'Etat avait ostensiblement semblé prendre ses distances avec lui, Aquilino Morelle était revenu en cour auprès de François Hollande. En deux temps.
PROCHE DE VALLS
D'abord au début de l'année, à la faveur du départ de Valérie Trierweiler, qui ne le portait guère dans son coeur. Il avait alors repris la haute main sur les relations avec la presse nationale et la communication, évinçant au passage Claude Sérillon, l'un de ses rivaux sur ce terrain. Et surtout, depuis deux semaines, avec le départ de Matignon de Jean-Marc Ayrault, qui le tenait pour son pire ennemi à l'intérieur de l'Elysée, et celui de Pierre-René Lemas du secrétariat général de la présidence, contre lequel il menait une sourde lutte, en coulisses, depuis des mois.
L'arrivée au poste de premier ministre de Manuel Valls, dont il est proche depuis leur collaboration au cabinet de Lionel Jospin à Matignon, de 1997 à 2001, avait parachevé ce retour en force de M. Morelle. Son entourage n'a donc pas manqué de déceler dans l'enquête de Mediapart une opportune « volonté de nuire et de salir ». « Il est à la fois l'homme qui a pris trop de place à l'Elysée, le président lui ayant témoigné sa confiance, et l'ami du nouveau premier ministre. C'est ce qu'on veut lui faire payer », peste un proche.
DANS SON INTIMITÉ OU EN DIFFICULTÉ ?
Car s'il est installé, à l'Elysée, dans le magnifique bureau avec vue sur le parc précédemment occupé par Henri Guaino et autrefois par Valéry Giscard d'Estaing, à côté de celui du président, l'exacte position de M. Morelle auprès de M. Hollande a longtemps fait débat. Dans son intimité ou en difficulté ? Dans la droite ligne de la social-démocratie « hollandaise » ou plutôt sur celle, colbertiste et nationalisatrice, de son ami Arnaud Montebourg, dont il fut le directeur de campagne aux primaires socialistes ? Difficile à dire.
Dans le flou organisationnel et idéologique qui caractérise le système hollandais, M. Morelle est en mesure de concilier sa prise de position, pendant la présidentielle, en faveur d'un seuil d'imposition à 75 % pour la part des revenus supérieurs à un million d'euros, et d'excellentes relations personnelles avec le secrétaire général adjoint chargé des affaires économiques, Emmanuel Macron, ancien de la Banque Rothschild et bien plus social-libéral. Le chef de l'Etat, adepte du darwinisme politique, laisse faire. Tout juste s'est-il offusqué, alors qu'il le cherchait à des moments politiques décisifs, de constater que celui-ci se trouvait alors en vacances ou à la salle de musculation de l'Elysée.
AUCUN MANDAT ÉLECTIF MALGRÉ TROIS TENTATIVES
Agé de 51 ans, Aquilino Morelle, malgré trois tentatives d'implantation en Dordogne, dans les Vosges et en Seine-Maritime, n'est jamais parvenu à remporter un mandat électif. Un des rares échecs dans la carrière de ce fils d'immigrés espagnols, dont le père était affûteur chez Citroën à Nanterre, et qui aime rappeler qu'il doit tout à la « méritocratie » à la française.
En couple avec Laurence Engel, la directrice de cabinet de la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, il avait, à sa sortie de l'ENA, intégré l'IGAS. C'était au début des années 1990. Mais la politique n'a pas tardé à le rattraper. Repéré par Pierre Moscovici, qui avait été son examinateur à l'oral de l'ENA, il rencontre Lionel Jospin en 1996. Celui qui n'est encore que premier secrétaire du PS est alors séduit par ce trentenaire au franc-parler et aux idées tranchantes, ce dont témoigne le livre à charge qu'il publie la même année : La Défaite de la santé publique (Flammarion). Un an plus tard, Jospin l'embarque avec lui à Matignon : il sera sa plume.
En 2003, Aquilino Morelle avait effectué, a-t-il coutume de raconter, un « passage éclair et très mal vécu » à l'agence de communication Euro RSCG, avant de réintégrer l'IGAS. A l'Elysée depuis 2012, il assure auprès de la presse le service après-vente du quinquennat Hollande, dissèque les sondages, rédige des notes de synthèse pour le président, planche sur les fameux « éléments » de langage avant les émissions et les conférences de presse. Et, aussi, informe le président : « Mon devoir, c'est de lui rapporter tout ce que je sais », expliquait-il au Monde il y a quelques mois. Ce qu'il a d'ailleurs fait dès qu'il a su que Mediapart s'intéressait à lui.
>> Lire son portrait de l'époque : Aquilino Morelle, l'homme fort de la «com'» présidentielle
Davantage que sur les détails évoqués par Mediapart concernant le soin scrupuleux apporté au cirage de ses chaussures de marque, la dégustation de vins fins ou l'usage privatif des chauffeurs de l'Elysée, qui soulignent un goût bien réel de M. Morelle pour les ors du pouvoir, c'est sur l'essentiel, à savoir le possible conflit d'intérêts, que le chef de l'Etat lui a demandé de réagir.