Jeremy Scott, la pop attitude de Longchamp
Jeremy Scott, la pop attitude de Longchamp
Par Alice Pfeiffer
Depuis dix ans, le maroquinier français collabore avec le Californien le plus kitsch de la mode. Un mariage aussi réussi qu’inattendu.
Marilyn Monroe fait la moue sous les feux des projecteurs, devant l’iconique cinéma le Théâtre chinois de Grauman, à Los Angeles, pendant qu’au loin, King Kong escalade la tour de la maison de disques Capitol Record Buildings, femme hurlante au poing. Cette saynète digne d’une bande dessinée est ornée des mots « Greetings from Hollywood » (un équivalent de « bons baisers de Hollywood »).
Jeremy Scott, lors du lancement du sac "Greeting from Hollywood", à Los Angeles, en novembre 2005. | Longchamp
C’est avec cette carte postale imprimée sur son fameux sac Pliage que la marque française Longchamp a fêté cette année le dixième anniversaire de sa collaboration avec le créateur californien Jeremy Scott. « Je voulais rendre hommage à la ville que je considère comme ma maison », explique le styliste, qui, depuis une décennie, dresse un portrait de l’Amérique de ses fantasmes pour la griffe parisienne.
La maison, plus BCBG qu’underground, approche le créateur à l’esthétique très pop en 2005, pour tenter un grand écart entre deux univers que tout semble opposer. Le premier modèle, épuré dans la forme et explosif par son ornement, rencontre un vif succès : le sac Pliage (un best-seller depuis vingt et un ans) comporte alors les inscriptions « This is not your bag » (« ceci n’est pas votre sac ») et « Fragile », inspirées des tampons d’aéroport.
Dès lors, Jeremy Scott crée un sac Pliage par saison, mettant en scène une ribambelle de références puisées dans la culture populaire américaine – souvent osées car synonymes de kitsch ou de mauvais goût sur le marché français. On peut notamment penser à ses imprimés de cartes bancaires très bling-bling, de dollars, de madballs (balles rebondissantes aux visages de monstres pour enfants), qui apparaissent dans ses propres collections, ou encore de signes astrologiques. Le dernier modèle attendu pour l’été, en vente début mai, représente des combinés téléphoniques vieille génération à cordon en spirale pour d’ironiques « appels longue distance ».
Pour Scott, « la source d’inspiration est aussi aléatoire que la couleur du véhicule de location que je conduis ou aussi connue que Barbie ». Ainsi, ce sac épuré devient une sorte de canevas personnel, que la directrice artistique de la maison, Sophie Delafontaine, s’attache à retranscrire « à travers le savoir-faire de la maison », dit-elle, ajoutant que « son sens de l’humour parle à tout le monde, il réussit à être drôle sans pour autant tomber dans la vulgarité, ce qui est une qualité rare ». Un décalage entre chic européen et sensibilité postmoderne qui fait des émules, puisque Jeremy Scott a été nommé à la tête de la création de Moschino en 2013, où il produit des collections tout aussi ludiques.
« Offrir aux artistes un territoire d’expression est aussi une façon pour Longchamp de dépasser ses limites », explique le directeur général et petit-fils du fondateur de la marque, Jean Cassegrain, qui n’en est pas à sa première collaboration avec des créatifs d’univers très variés : par le passé, la marque a travaillé avec l’artiste britannique féministe Tracey Emin, la top model Kate Moss, ou encore la styliste grecque avant-gardiste Mary Katrantzou.
Dernière carte blanche en date et non des moindres, jusqu’à fin juillet : pendant les travaux de la boutique historique du 404, rue Saint-Honoré à Paris, l’immeuble d’angle du XVIIIe siècle est recouvert d’une bâche gigantesque qui a servi de toile à l’artiste new-yorkais Ryan McGinness. Une œuvre XXL, colorée et foisonnante, qui, comme les sacs de Scott, ne passe pas inaperçue.