Indignation belge, après l’annonce du rachat de Lampiris par Total
Indignation belge, après l’annonce du rachat de Lampiris par Total
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, Correspondant)
L’acquisition par le groupe pétrolier français du troisième fournisseur d’électricité outre-Quiévrain suscite des réactions hostiles de l’opinion publique.
Une électricité 100 % verte, 100 % belge et moins chère : le slogan de Lampiris, troisième fournisseur du marché belge a du plomb dans l’aile, après l’annonce, mardi 14 juin, du rachat de la société wallonne par Total. Malgré le message apaisant qui leur a été immédiatement adressé, les syndicats s’inquiètent d’une possible réduction de l’emploi, craignent une délocalisation du siège – installé à Liège depuis 2005 – et une fuite en masse de clients déçus.
C’est cette troisième crainte qui pourrait s’avérer la plus fondée, à lire les nombreux messages postés sur les réseaux sociaux et la réaction de la presse francophone, mercredi : qu’une société qui se voulait « verte » soit rachetée par l’un des leaders mondiaux du pétrole passe visiblement très mal.
« Lampiris vend son âme », titrait Le Soir de Bruxelles, mercredi 15 juin, rappelant que le patron de la société, Bruno Venanzi, avait fait du maintien de l’indépendance de son groupe un credo. Or, comme bien d’autres avant elles, la société termine, elle aussi, sa course dans « le grand coffre aux désillusions des pigeons belges », écrit Le Soir. Les pigeons sont, en l’occurrence, les consommateurs, qui avaient déjà appris que leur fournisseur était loin d’être le moins cher.
Label écologique
Ils savent aussi, désormais, qu’il pourrait cesser d’être « 100 % vert ». D’autant que Lampiris avait, en fait, établi sa notoriété sur un slogan douteux : doté d’infrastructures de production très faibles, le groupe achète une grande partie de son électricité (produite par des centrales nucléaires ou au gaz) sur les marchés, avec, toutefois, un label écologique, grâce au soutien qu’il apporte au renouvelable dans les pays scandinaves.
Total, qui va dépenser de 150 millions à 200 millions d’euros pour acquérir la société wallonne, va devoir s’employer à rassurer des clients qui, à l’instar d’un député écologiste sur Twitter, ont immédiatement fait connaître leur envie de changer de fournisseur. Et l’offre ne manque pas sur un marché belge hyperconcurrentiel, où des entreprises néerlandaises, allemandes et italiennes tentent de tailler des croupières aux géants français : Engie, maison mère d’Electrabel, et EDF son principal challenger, au travers de Luminus.
Faiblesse de l’économie belge
L’actuelle direction de Lampiris a, elle, immédiatement tenté d’apaiser les esprits, en diffusant, dès mardi, des messages évoquent le maintien de « l’identité » et des « valeurs » de l’entreprise. « L’intégration dans le groupe Total s’inscrit dans la continuité de vos ambitions », affirme un communiqué.
Au-delà de la réaction spontanée d’une partie du public, dont la vigueur a étonné, l’affaire montre aussi la faiblesse de l’économie belge, qui a vu beaucoup de ses entreprises passer dans le giron de sociétés étrangères au fil des dernières décennies. Avec, rapidement, une perte complète de la maîtrise et de l’indépendance, à chaque fois promises par l’acheteur pourtant.
M. Venanzi, à qui la vente devrait rapporter personnellement 50 millions d’euros, a, lui, déjà changé de cap : il est, depuis un an, le patron du club de football Standard de Liège, qui a enregistré de piètres résultats sportifs depuis lors mais qui retrouvera bientôt l’équilibre financier.