JO 2016 : pour la nageuse russe Efimova, « ce n’était pas une compétition mais une guerre froide »
JO 2016 : pour la nageuse russe Efimova, « ce n’était pas une compétition mais une guerre froide »
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
De retour à Moscou, la nageuse russe deux fois médaillée d’argent aux JO de Rio affirme avoir subi une énorme pression.
La nageuse russe Ioulia Efimova aux Jeux de Rio. | STEFAN WERMUTH / REUTERS
« Je suis soulagée que tout cela soit terminé. C’est bon d’être de retour à la maison, sur sa terre natale. » C’est par ces premiers mots que Ioulia Efimova, médaillée d’argent du 100 et 200 mètres brasse femmes, a commenté à Moscou, mercredi 24 août, son retour des JO de Rio. La veille, les derniers sportifs de la délégation russe, amputée de 113 de ses membres, dont la quasi-totalité des athlètes, en raison d’un vaste scandale de dopage, avaient été accueillis en héros à l’aéroport Cheremetievo. Avec 56 podiums dont 19 titres en or, la Russie s’est hissée au 5e rang du classement malgré ce contexte.
Ioulia Efimova, qui a pu participer in extremis aux Olympiades, faisait partie des figures les plus controversées après avoir été notamment suspendue seize mois pour un contrôle positif à un stéroïde en 2014. La championne russe, de nouveau citée dans la cascade de cas positifs au meldonium en début d’année – ce dont elle a été blanchie comme beaucoup d’autres – dit avoir vécu un calvaire au Brésil.
« La période la plus horrible de ma vie »
« Je ne trouve même pas les mots pour exprimer ce que j’ai ressenti, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse organisée dans les locaux de l’agence TASS. Cela a commencé dès février avec en permanence cette question “on me laisse, on ne me laisse pas participer”. Durant tout le vol de Miami à Rio, pendant huit heures et demie, j’ai retenu mes larmes en espérant que je ne serais pas déjà de retour le lendemain. Cela a été la période la plus horrible de ma vie. » La jeune femme de 24 ans, qui s’entraîne depuis cinq ans aux Etats-Unis, n’a appris qu’elle pourrait participer aux compétitions qu’à la veille de la cérémonie d’ouverture des Jeux.
Longs cheveux blonds tombant en cascade sur ses épaules, la nageuse, qui était accompagnée de son père et entraîneur, Andreï Efimov, et de son avocat Artiom Patsiev, paraissait encore à fleur de peau, mercredi. « Je suis malade », s’est-elle excusée. « J’ai versé tant de larmes et perdu tant de nerfs que je pense que cela a beaucoup joué sur le résultat », a poursuivi la Russe.
Ioulia Efimova lors de sa conférence de presse à Moscou, le 24 août. | Isabelle Mandraud
Sifflée pendant la course du 100 m, où elle a obtenu la deuxième place, Ioulia Efimova, a subi les foudres d’autres sportifs. Sa concurrente, l’Américaine, Lilly King, qui a remporté l’or dans le 100 m brasse, s’est félicitée d’avoir battu la Russe « en étant propre ». Puis le quintuple champion olympique américain en natation, Michael Phelps, a également fait référence à son cas, en déclarant : « C’est triste qu’il y ait des gens contrôlés positifs, même deux fois pour certains, qui ont quand même l’occasion de nager aux JO. »
Tout en assurant n’avoir découvert qu’après coup ces commentaires de la part de sportifs qu’elle « respecte », la Russe a affirmé avoir souffert « dès son arrivée ». « Avant j’avais des relations normales avec les autres mais là, certains ne me disaient pas bonjour ou me regardaient de travers. (…) Je n’ai jamais connu une telle compétition et espère ne pas en connaître de semblable dans le futur. »
« Une guerre froide »
« C’était comme une guerre ? », l’a interrogée un journaliste de TASS. « Oui, a répondu la nageuse. C’était très dur avec la pression de tous les côtés, des sportifs, des supporteurs et surtout des médias. Ce n’était pas une compétition mais une guerre, une guerre froide. »
Invitée à se prononcer pour savoir si elle continuerait à s’entraîner aux Etats-Unis, Ioulia Efimova n’a pas répondu clairement. « Si je prends toutes mes affaires et que je déménage, et qu’après, au championnat du monde, on me dise “tu ne peux pas participer parce que tu n’as pas assez de tests de dopage en Russie” Voyez vous-même ce qui se passe avec les Jeux paralympiques. »
Les Jeux olympiques de Rio à peine achevés, la polémique se poursuit en effet en Russie avec la décision du Comité international paralympique (IPC) de suspendre le comité paralympique russe, le privant ainsi des prochaines compétitions prévues à Rio du 7 au 18 septembre. L’appel ayant été rejeté, aucun sportif russe handicapé n’y participera. « Exclure nos athlètes paralympiques de Rio 2016 est une décision cynique motivée par le désir d’exclure d’importants adversaires », a réagi le premier ministre russe Dmitri Medvedev sur son compte Twitter.
Dès jeudi, Ioulia Efimova devrait pour sa part se rendre à Paris afin de participer à la première étape du championnat du monde.